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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/273

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NAPOLÉON

qu’elle est invincible, tandis que, devant le cap Trafalgar, se livre une furieuse et funeste bataille, terrible choc où sombre l’espoir de disputer la mer aux Anglais. Nelson est tué avant d’avoir vu l’achèvement de sa victoire. Villeneuve survit, est fait prisonnier et, bientôt, de désespoir, se suicidera. La marine française est anéantie avec ses auxiliaires espagnols. Elle ne se relèvera plus. Napoléon lui-même, après des espoirs avortés, des tentatives qui lui coûteront cher, cessera d’y porter intérêt. Le temps surtout lui manquera pour reconstituer une flotte et des équipages. Mais il compte que le nom d’Austerlitz fera oublier celui de Trafalgar. Il voudra même oublier qu’à Boulogne il voyait juste, que ce n’est pas la même chose d’entrer à Vienne ou d’entrer à Londres, et que, s’il était vraiment impossible de passer la Manche pour imposer à l’Angleterre la paix des frontières naturelles, il est encore plus impossible de la lui imposer quand elle demeure la maîtresse incontestée des mers. En France, le public, toujours prompt, après un échec, à se dégoûter de l’effort prolongé que demande la puissance navale, n’y pensera plus, n’ayant même pas compris la portée de ce désastre de Trafalgar dont les syllabes lugubres ne prendront leur sens qu’après le glas de Waterloo. Quant à l’empereur, qui ne s’attarde pas aux regrets, il se persuade que, là où il ne commande pas en personne, il doit s’attendre au pire. Et comme, à la mer, il ne peut exercer le commandement, son attention s’en détourne d’autant plus qu’en apparence rien n’est changé et que, vainqueur sur le continent, il semble même plus puissant que la veille. L’Angleterre, de son côté, ne se rend compte ni de l’étendue ni des conséquences de sa victoire maritime qui se découvriront à la longue seulement. D’abord à la joie d’avoir échappé au danger de l’invasion, les coups portés à ses alliés du continent la laissent consternée. Qu’il est difficile aux plus grands hommes de voir un peu