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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/284

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L’ÉPÉE DE FRÉDÉRIC

en eux tout ce qui s’opposait au cours de la Révolution ! Cobourg est soumis, battu, avec la maison d’Autriche. Pitt dans la tombe, la parole passe à l’Angleterre libérale, la bonne Angleterre, celle de Fox. Les Français qui, après avoir juré de ne plus jamais subir de « tyran » se sont donnés à un homme pour sortir victorieusement de la guerre, ne doutent pas que la politique anglaise ne dépende que d’un homme aussi.

Il est étrange que Napoléon ait partagé cette façon de voir trop simple, cette illusion très peuple. La paix avec les Anglais, il y croit toujours. Le souvenir d’Amiens ne le quitte pas et c’est Amiens qu’il veut recommencer avec Fox. Alors, plein de confiance, il s’engage dans de vastes combinaisons, rivalise d’habileté avec les vieilles cours et les gouvernements traditionnels, sûr des cartes qu’il a en main et de son ministre des Affaires étrangères, de ce Talleyrand qui passe déjà pour le plus subtil des diplomates. Mais Fox, sur lequel on se méprend à force de l’avoir opposé à Pitt, est pourtant, avec un autre vocabulaire et une espèce de rondeur, comme d’un bonhomme Franklin britannique, un aristocrate, un Anglais attaché aux intérêts permanents de son pays. On parlera de tout, dans ces négociations, sauf de l’essentiel. Et Napoléon ne tarde pas à reconnaître que l’essentiel n’a pas changé. Le long et pompeux exposé de la situation de l’Empire au Corps législatif, le 5 mars, dit très bien que le but de la troisième coalition, comme des précédentes, était d’enlever à la France les bouches de l’Escaut, les places de la Meuse. « L’Angleterre porte peu d’intérêt à l’Italie : la Belgique, voilà le véritable motif de la haine qu’elle nous porte. » Pas une fois, entre Lord Yarmouth et Talleyrand, il ne sera question de la Belgique. Mais tandis que Napoléon veut encore se bercer de l’espoir d’une nouvelle paix d’Amiens, Fox, sous son apparente bonhomie, cherche seulement à démontrer qu’avec