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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/318

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L’OUVRAGE DE TILSIT

ter ombrage au tsar. Du moins, Napoléon le supposait, à tort. Le tsar s’était résigné, assez mal, et parce qu’il n’avait pu faire autrement, à cette résurrection d’un fragment de Pologne. Elle serait, à Pétersbourg, un grief permanent contre l’alliance française et le choix même du roi de Saxe, d’une espèce de neutre, pour gouverner le duché varsovien n’était pas assez pour calmer les craintes des Russes.

Pourtant Napoléon n’avait pas voulu que son frère Jérôme régnât à Varsovie. Pour celui-là, encore sans emploi et qui devait servir comme les autres ou disparaître, l’empereur créait un nouveau royaume feudataire. Et ce royaume de Westphalie n’était pas un caprice. Il rentrait dans la grande pensée, continuer, toujours selon le « système » le royaume de Hollande, compléter la Confédération du Rhin, employer les restes de la Prusse, toujours pour soustraire plus de littoral, d’estuaires, de ports et de débouchés au commerce anglais. Et puis Jérôme, le nouveau roi, épousant Catherine de Wurtemberg, devient parent du tsar qui a feint ne pas comprendre — c’est, pour Napoléon, la déception de Tilsit — les allusions à l’autre idée de mariage et qui, de son illustre et nouvel ami, du grand homme admiré, du héros chéri, ne semble pas pressé de faire un beau‑frère. Avec la Finlande et les provinces danubiennes arrachées à la Turquie, donne‑t‑on même assez à la Russie pour répondre qu’elle restera fidèle à l’alliance ? Mais lui offrir d’emblée Constantinople, ce serait la rendre si puissante, bouleverser à ce point tout équilibre, que jamais l’histoire n’eût pardonné à Bonaparte d’être allé si loin. Sans compter la tentation naturelle que pouvait avoir déjà la Russie de faire garantir ses acquisitions de Tilsit par l’Angleterre après les avoir obtenues de la France. Telles furent les réflexions et les raisons par lesquelles, en concluant cette paix, se détermina l’empereur.