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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/329

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NAPOLÉON

ser les Anglais de Lisbonne et d’Oporto, le corps de Junot est fort aventuré et serait pris entre deux feux au cas où le douteux Godoy viendrait à trahir l’alliance.

À ce moment‑là, Napoléon, devant les affaires d’Espagne, est méfiant et incertain. Il n’a pas donné suite à la demande du prince des Asturies lorsqu’un nouveau coup de théâtre se produit. Charles IV pardonne à Ferdinand qui, ayant peur de Godoy autant que Godoy a peur d’une révolution et de la France, a dénoncé ses propres conseillers. C’est maintenant le roi, le Bourbon, qui sollicite la main d’une Bonaparte pour ce fils qu’il maudissait quelques jours plus tôt. L’offre d’entrer dans une pareille famille n’était pas séduisante et l’on comprend que Napoléon ait exigé d’abord que Ferdinand fût solennellement relevé de la déclaration qui le déshonorait. Mais encore fallait‑il trouver une princesse dans la nouvelle « maison de France » et il n’y en avait plus à marier. L’empereur songeait à Charlotte, une fille du premier mariage de Lucien, bien qu’elle fût encore enfant. Il vit son frère en Italie, tenta une réconciliation pour que la jeune personne lui fût confiée. L’entrevue de Mantoue finit mal. L’empereur avait toujours la même exigence, refusait de reconnaître pour sa belle‑sœur la seconde femme de Lucien. Il fut impossible de s’entendre. Avec le mieux doué de ses frères, l’incompatibilité de Napoléon était complète. La petite Lolotte ne partit pas. On n’aura pas vu la fille de Lucien Bonaparte, petite‑fille, par sa mère, d’un aubergiste provençal, épouser un descendant de Louis XIV. L’idée de l’unir à Ferdinand, ce qui eût évité le détrônement des Bourbons d’Espagne et tant de malheurs, cet arrangement entrevu échouait. Néanmoins, Napoléon y tenait tant qu’il y reviendra. De Milan, le jour même du décret qui renforçait celui de Berlin, il avait écrit à Joseph, chargé d’envoyer à Paris la nièce : « Qu’elle parte sans délai… Il n’y