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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/364

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LE PREMIER NUAGE VIENT D’ESPAGNE

Europe, il faut toujours établir ce qui est vrai, c’est‑à‑dire que l’Angleterre est cause de la continuation des hostilités. Et la réponse négative de Canning exprime le sentiment du peuple anglais qui en est à reprocher à ses généraux de l’avoir humilié en ne retenant pas l’armée de Junot prisonnière à Cintra comme celle de Dupont l’a été à Baylen. Le gouvernement britannique met cette condition, qu’il sait d’avance inacceptable — et, à défaut de celle‑là, il en mettrait une autre — qu’à tous les pourparlers de paix les insurgés espagnols prendront part. Il ne reconnaît pour roi d’Espagne que Ferdinand VII et il affecte toujours d’ignorer qu’il y a un empereur en France. Ainsi il existe au moins un lieu où Erfurt n’éblouit pas, où l’alliance russe n’en impose pas. C’est Londres.

Maintenant il ne s’agit plus de passer la Manche et de faire bivouaquer devant Westminster les grenadiers de la Garde. Grave déclin depuis les vastes espérances de Boulogne. Il faut rentrer à Madrid et jeter à la mer l’armée anglaise qui est venue donner la main à l’Espagne insurgée.

De retour à Saint-Cloud le 18 octobre, Napoléon, dès le 29, reprend sans goût, sans entrain, la route des Pyrénées. Cette Espagne l’ennuie. Tout y a tourné contre ses calculs, elle s’est mise à la traverse de ses projets, elle lui a valu son premier revers depuis Saint-Jean-d’Acre, son premier déboire. C’est un boulet qu’il traînera et il l’appellera un « chancre ». D’avance cette campagne le rebute, bien qu’il la prépare méthodiquement, avec le même soin que les autres. Se battre contre des bandes de paysans, dans un pays de fanatiques où un ennemi s’embusque derrière chaque rocher, mais où il n’y a plus de gouvernement ni d’État, où, par conséquent, il est impossible d’en finir par quelques marches foudroyantes, c’est une corvée qui l’irrite. À Joséphine qui lui demande : « Tu ne cesseras donc pas de faire la guerre ? » il répond avec mauvaise hu-