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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/366

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LE PREMIER NUAGE VIENT D’ESPAGNE

justicier, il ne faut pas que Joseph soit compromis aux yeux de ses sujets et il lui est même donné des occasions d’obtenir des pardons et d’exercer sa clémence. Il n’y a plus à compter que les Espagnols se donneront de bon cœur à la royauté nouvelle. Il ne reste qu’à leur faire souhaiter Joseph pour échapper à la conquête et à la domination de Napoléon lui‑même. Puisqu’il n’a pas réussi en promettant à l’Espagne de la régénérer, il prend le rôle d’épouvantail, laissant à Joseph celui d’intercesseur et de protecteur, lui interdit même de s’installer à Madrid avant qu’on le lui ait demandé, comme il lui a défendu de paraître à ses côtés tandis que les bandes de Palafox et de Castanos étaient sabrées sans merci. À la fin, en effet, la bourgeoisie de Madrid acceptera Joseph, effrayée d’abord par la menace d’un bombardement, puis par les atrocités de la canaille qui s’est opposée à la reddition de la ville, entièrement résignée en apprenant la défaite de l’armée anglaise de secours.

Battre les Anglais et vite, c’était la seconde tâche que Napoléon s’était donnée. Avec la quarantaine, il s’est peut‑être engraissé, alourdi. C’est toujours l’homme d’action, l’entraîneur qui ne marchande ni sa fatigue, ni sa peine, qui franchit à pied, sous la neige, en des journées qui font déjà penser à la retraite de Moscou, le massif du Guadarrama, tandis que le soldat murmure. Passant la nuit dans une misérable maison de poste, il devise avec les officiers, parle avec eux, en camarade, de ces aventures extraordinaires qui l’ont conduit de l’école de Brienne dans cette masure espagnole. « Et demain, qui sait où ? »

Napoléon poursuit le général Moore, qui bat en retraite. Il compte l’atteindre bientôt et infliger une sévère défaite aux Anglais puisqu’il les tiendra enfin sur la terre, son élément à lui. Dans la nuit du 12 janvier 1809, il est rejoint par un courrier de France. Il lit les dépêches à la clarté d’un feu