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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/394

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LE GENDRE DES CÉSARS

« Un fils de moi peut seul mettre tout d’accord. » Il a l’illusion qu’en assurant sa descendance il assurera son trône. Il sent maintenant le besoin d’un héritier de son sang et de sa chair, et Joséphine l’a compris depuis longtemps puisque, pour ne pas être répudiée comme une femme stérile, elle lui a, dit‑on, glissé à l’oreille l’idée absurde d’un enfant supposé.

Cinq ans plus tôt, le droit d’hérédité, ajouté à ses pouvoirs, lui avait été importun. Maintenant, ne s’exagère-t-il pas les vertus du principe héréditaire ? Et de même il a résisté longtemps au divorce que désiraient, où le poussaient tous ceux qui avaient le souci de la continuité. Sans parler de ses proches, qui n’ont pour mobile, dans leur esprit étroit, que leur haine jalouse des Beauharnais, il y a les têtes politiques qui ont voulu une dynastie pour « ôter aux Bourbons tout espoir de retour ». Les pensées de 1804 renaissent devant l’ébranlement encore léger du système napoléonien. Qu’est‑ce qu’une dynastie sans héritier direct ? Une grande raison d’État avait présidé à la fondation de l’Empire et à l’institution de l’hérédité impériale. Aucune satisfaction ne lui était donnée. L’adoption ? Elle était oubliée, et nul n’en avait reparlé depuis que l’aîné de Louis et d’Hortense était mort. Les hommes sérieux regardaient comme une calamité que la couronne pût revenir à aucun des frères de l’empereur, « d’une incapacité révoltante ». Et Fouché traduisait tout lorsque au mois d’octobre 1807, songeant après Tilsit au mariage russe, il avait écrit à Napoléon que « les Anglais étaient encouragés dans leurs entreprises contre l’empereur comme dans leur refus de faire la paix par la seule pensée qu’étant sans enfant, et par conséquent sans successeur, l’empereur entraînerait dans sa mort, toujours possible, le gouvernement tout entier ». Autant que sa mort était crainte, celle de Joséphine était souhaitée par les froids calculateurs : « Cela lèverait bien des difficultés. Tôt ou tard, il faudra qu’il prenne une femme