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LE GENDRE DES CÉSARS

n’a pu, tout bien pesé, retenir d’autres motifs que l’absence de « propre prêtre », parce que c’est Fesch qui les a unis en secret, et le « défaut de consentement » de l’empereur, « moyen de nullité qui ne fut jamais utilement invoqué que par un mineur surpris et violenté », et qui rappelle la supercherie de Joséphine, la bénédiction secrète et in extremis, exigée par Pie VII, imposée au mari joué et furieux, la veille du couronnement.

Par le mariage autrichien, Napoléon sera dupe d’une ruse aulique. C’est un autre acte de l’« auguste comédie » des rois en lutte, non pas contre la France régicide, mais contre la France des limites naturelles. On endormira le lion amoureux, le héros flatté. Mais, dans son idée à lui, c’est encore une ancre qu’il jette, une carte qu’il ajoute à sa carte de guerre. L’Autriche, il s’est battu assez souvent avec elle pour savoir qu’elle est encore redoutable et pour ne pas la mépriser. Au grand conseil de famille et de gouvernement où l’empereur prit sur le mariage l’avis des dignitaires, Lacuée ayant dit : « L’Autriche n’est plus une grande puissance », il lui fut répondu avec vivacité : « On voit bien, monsieur, que vous n’étiez pas à Wagram. » Napoléon n’oubliait ni les semaines d’anxiété qu’il avait passées après l’échec d’Essling, ni sa crainte du soir d’Eylau (« si j’étais l’archiduc Charles »), ni ses appréhensions d’avant Austerlitz, lorsqu’il avait dû s’aventurer si loin, en Moravie, pour y battre les deux empereurs. Il voyait en outre l’influence, le prestige que lui vaudrait sur les peuples d’Allemagne une étroite parenté avec les Césars germaniques. S’attacher l’Autriche par un lien intime, tandis que l’alliance russe subsisterait au moins pour la forme, c’était la continuation, peut‑être l’achèvement de sa politique continentale. Depuis l’affaire espagnole, la propagande ennemie le représente comme un César démagogue, un Jacobin qui n’aspire qu’à renverser tous les trônes après ceux de Naples et d’Es-