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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/418

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LE GENDRE DES CÉSARS

Si terrible, en effet, qu’elle se retournait contre celui qui, l’ayant rendue presque parfaite, l’imposait à tous. Nul ne sait si elle aurait, à la fin, abattu l’Angleterre. La Russie, la première, n’y avait pas résisté.

On ne croira plus que la « primauté de l’économique » soit une chose de nos jours quand on observe que le blocus continental, n’ayant pas apporté la victoire à Napoléon, provoqua la chute de son Empire. « Projet gigantesque, hardi, mais dont le succès est impossible », disait le banquier Laffitte. Et il le démontrait. Mais si Bonaparte s’était rendu à cette démonstration, il n’avait plus qu’à renoncer à tout. Il faut le voir ici appliquant son esprit à des matières qu’il possède et qu’il domine aussi vite que les autres, penché sur les tableaux de douane comme sur ses états de situation. Qu’on est loin du héros des légendes, loin de l’image d’Épinal ! Le voici dans les statistiques, les tarifs, raisonnant des prix de revient. Il porte la lumière, trouve des solutions. Il n’en manque jamais. À Sainte-Hélène, il lui venait encore des idées de ce qu’il aurait pu faire. Son malheur est que, depuis longtemps, sa féconde intelligence ne travaille plus que contre lui-même. Le blocus continental le condamne déjà à des annexions, à des réunions, à une politique envahissante qui produit l’alarme et la haine. Pour le moment du moins, pas de remède à cela. Mais le blocus a d’autres inconvénients. Tandis qu’il est strictement appliqué dans les départements français, la contrebande, tolérée par les alliés et les neutres, ouvre mille fissures ailleurs. D’où il résulte que la vie est plus chère en France que dans le reste de l’Europe. Frappé de cette idée, Napoléon imagine d’autoriser l’importation de certaines denrées, surtout des matières premières nécessaires à l’industrie, moyennant une taxe équivalente à la prime que prélèvent les contrebandiers. Il institue le régime des licences, aussi fructueux pour le Trésor français