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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/426

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LE ROI DE ROME

l’objet d’une mutation. Le système continental taille dans la chair vivante. Il y a des cris.

Cependant, que fait Alexandre ? L’Oldenbourg ni son duc n’étaient en cause lorsque, l’été précédent, il avait songé à une attaque brusquée pour en finir en une fois, l’Allemagne n’étant plus occupée que par Davout. Seulement il fallait au tsar le concours des Polonais et celui des Prussiens. Il a promis monts et merveilles aux premiers qui n’ont pas eu confiance en sa parole et qui ont tout fait savoir à Napoléon. Il a sondé les dispositions de la Prusse qui s’est excusée, ne tenant pas à revoir Iéna ni à être châtiée la première. Alors Alexandre a pensé que Bonaparte n’était pas encore si bas. Il a renvoyé ses desseins d’agression à des temps meilleurs. Mais enfin il a bien fait des préparatifs de guerre, et il les continue. Il a bien médité d’attaquer son ami de Tilsit à qui la vérité s’est découverte peu à peu. Obligé de se mettre lui‑même sur ses gardes, ayant toujours à craindre le retour d’une coalition, Napoléon prend quelques mesures de précaution dont Alexandre se plaint d’autant plus fort que sa conscience est moins bonne. C’est lui qui se dit menacé, attaqué, victime, et l’Europe le croit parce qu’elle est lasse. De là date, comme le remarque Albert Sorel, l’opinion qu’on s’est si longtemps repassée, selon laquelle Napoléon se serait jeté sur la Russie par un délire de domination et d’orgueil.

Tout montre, au contraire, qu’il voyait avec une violente contrariété venir un conflit qui était l’échec de sa politique, par qui « tout rentrait en problème », expression qui dans sa bouche revenait si souvent. En janvier et février 1811, la Russie l’occupe déjà, il tourne et retourne les mêmes pensées. Si les puissances du Nord ne se joignent pas au blocus, le système continental n’existe plus. Si la Russie fait sa paix avec le cabinet de Londres, Napoléon peut être attaqué par elle comme il l’a été par la Prusse en 1806, par l’Autriche en 1809. Il