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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/435

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NAPOLÉON

serait peut-être un moyen de hâter la paix. Il reprend intérêt à la marine et, visitant la Hollande, s’arrête à Flessingue, passe deux jours à bord du Charlemagne. Prépare-t-il le « coup de tonnerre » mystérieux dont il avait parlé dix semaines plus tôt au Corps législatif et qui mettrait fin à « cette seconde guerre punique » ? Mais une expédition sérieuse ne peut être prête avant deux ans. Il faut des résultats moins lointains. L’empereur songe à un débarquement en Irlande, ou bien, encore plus modestement, à Jersey, puis n’en parle plus. Il sait la vanité de ces diversions, de ces vieux projets. S’il les ranime un instant, comme il ranime, pour l’abandonner aussitôt, l’idée d’une nouvelle campagne d’Egypte, c’est parce que son esprit travaille à trouver une issue.

Napoléon n’en trouve pas parce qu’il a déjà épuisé les combinaisons qui sont à sa portée. Faute de moyens maritimes, il doit en revenir à la conception de Tilsit, à l’union de l’Europe contre l’Angleterre, ennemie commune, ennemie du continent. Si la Russie reste en dehors de cette ligue, elle deviendra l’alliée des Anglais, elle débauchera pour leur compte les autres pays européens. Déjà le tsar, au moment où il pensait à une attaque brusquée en Allemagne contre le corps d’occupation de Davout, a essayé d’entraîner la Prusse, d’en faire sa complice, de renouer le pacte de 1806, le serment de Potsdam, devant le tombeau de Frédéric. Le gouvernement prussien a résisté à la tentation parce qu’il a eu peur et que le moment ne lui semble pas encore venu. La « régénération » à laquelle travaille Stein n’est pas au point et Frédéric-Guillaume, se souvenant de la leçon d’Iéna, ne veut plus rien risquer. Mais qu’une alliance active se reforme entre la Prusse et la Russie, c’est une probabilité ; ce n’est même plus qu’une affaire de temps. Dès lors, la conviction s’empare de l’esprit de Bonaparte qu’il doit devancer cette coalition,