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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/465

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NAPOLÉON

éclairs et dont il retenait toujours le tonnerre ». Fondateur de dynastie, parent de têtes couronnées, peut‑il redevenir l’empereur de la Révolution, compromettre des alliances plus que jamais nécessaires, ruiner toute une politique ? Pour rien d’ailleurs, car on lui fait comprendre que c’est trop tard, que le moujik fanatisé ne l’écoutera pas plus que les Espagnols lorsqu’il leur avait annoncé qu’il venait détruire la féodalité et l’Inquisition. Aussitôt il revient, — ce ne sera plus pour longtemps — au style du souverain légitime et conservateur et il appelle Rostopchine le « Marat de la Russie ».

L’agitation de son esprit se trahit à d’autres signes. Il faut expliquer le départ. Alors Moscou n’est plus qu’un « cloaque malsain et impur… d’aucune importance militaire et devenu sans importance politique », ce qui n’est que trop vrai. On revient vers Vilna, en faisant savoir que c’est pour menacer Pétersbourg, car, dans le fond de son cœur, Napoléon n’est pas encore tout à fait décidé à la retraite. Encore une manœuvre qui peut-être rétablira tout, ou bien une correction sérieuse qui rendra Koutousof inoffensif. Ainsi Napoléon se donne des prétextes pour ne pas renoncer et il laisse Mortier au Kremlin tandis qu’il tentera de livrer une bataille. Qui sait ? La chance d’un succès militaire pourrait encore tout changer. Mais Koutousof se rend insaisissable. « Ceci devient grave. » Trois mots soucieux qui décident du rappel de Mortier et du vrai retour. Napoléon s’est attardé, il a laissé gagner l’hiver, compromis la retraite, parce que le chemin qu’il va prendre est celui du déclin. A-t-il le pressentiment de la catastrophe prochaine ? Pourtant il se refuse à croire, comme tout à l’heure il voulait croire. Il fallait que le tsar lui offrît la paix. Il n’en parle plus. Maintenant, il ne veut pas admettre que déjà l’armée fond, se décompose, que l’hiver, dans ces parages, arrive sans transition, aussi brusquement que l’été. Il se délivre des avertissements par des mots : « Il gèle