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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/484

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LE REFLUX ET LA DÉBÂCLE

dernier effort de la nation. Napoléon le sait et il reste, durant la bataille, près de ses troupes novices pour les animer de sa présence et de sa parole, exposé au feu. Est-ce que Lutzen n’est pas le lieu où Gustave‑Adolphe a péri ? On a l’impression que, dans cette campagne, Napoléon a souvent cherché la mort, au moins qu’il s’en est montré insouciant, comme si elle eût été pour lui le moyen d’en finir, et, par la régence de Marie‑Louise, de faire passer, sans convulsions ni secousses, sa succession à son fils. Il sait tout ce qui va mal, les difficultés de la conscription, les réfractaires en nombre croissant, surtout en Belgique, des troubles en Hollande, Joseph qui, encore une fois, a quitté Madrid pour n’y plus rentrer, l’Espagne perdue et dont il a déjà fait le sacrifice, l’Allemagne haineuse, soulevée de patriotisme, enfin, en France la « confiance ébranlée », comme se risque à le dire le plus complaisant de tous les ministres, Maret.

Pourtant, le soir de Lutzen, Napoléon rayonne. A‑t‑il vraiment dit après cette journée heureuse : « Je suis de nouveau le maître de l’Europe » ? Ce n’était, en tout cas, que par des succès militaires qu’il pouvait rétablir sa situation.

Mais Lutzen n’est pas Iéna, et les Russes ne sont plus, comme en 1806, au‑delà de la Vistule. Maintenant ils doublent les régiments prussiens. Vingt jours après, à Bautzen, il faut encore battre ces alliés, une de ces victoires où l’ennemi échappe à la destruction et qui ressemblent trop à celles que, l’été précédent, de Smolensk à la Moskowa, remportait l’empereur. À la fin de la seconde journée, celle de Wurschen, il sent ses conscrits à bout de forces. « Comment ! après une telle boucherie, aucun résultat, point de prisonniers ! Ces gens‑là ne me laisseront pas un clou ! » À ce moment, un chasseur de l’escorte est tué. « Duroc, la fortune nous en veut bien aujourd’hui. » Quelques heures plus tard, un boulet frappe Duroc, un de ceux, un des très