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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/495

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NAPOLÉON

sage avec calme et même avec une résignation stoïque ». On dirait que la seule chose qui lui importe, c’est de savoir si lui‑même, sous le rapport de l’art militaire, n’a pas commis de faute. Il vérifie ses minutes, celles de Berthier. Vandamme est seul coupable. Il n’a pas suivi les instructions qu’il avait reçues. Alors, raconte Fain, l’empereur se tourne vers Maret et lui dit : « Eh bien ! voilà la guerre ; bien haut le matin et bien bas le soir. » Et, les yeux fixés sur la carte, il récite une médiocre tirade de la Mort de César, de ces vers qu’autrefois il déclamait avec Joseph, lieux communs de tragédie sur le pas qui sépare le triomphe de la chute, sur les accidents dont dépendent le sort des États et le destin des hommes. On le croirait au spectacle, comme si c’était un héros de théâtre qui subît l’événement.

Désormais, calamités et fatalités se succèdent. L’un après l’autre, les lieutenants de l’empereur ont été battus ou le sont : échec de Macdonald en Silésie, d’Oudinot à Gross-Beeren, de Ney à Dennewitz. Il n’est plus question de marcher sur Berlin. Symptôme mauvais ; au combat, les auxiliaires allemands lâchent pied. De Dresde, Napoléon marche sur tous les points menacés, fait reculer tantôt Blucher, tantôt Wittgenstein qui, fidèles à la tactique des Alliés, rompent devant lui et avancent dès qu’il est occupé ailleurs. Tout va mal. Les Autrichiens attaquent en Italie. Des défections s’annoncent dans la Confédération du Rhin. D’un jour à l’autre, la Bavière passera à la coalition. Les Français ne sont plus en sûreté dans une Allemagne que travaillent les ligues patriotiques, les sociétés secrètes, le Tugendbund. L’inquiétude, le découragement montent autour de l’empereur, la confiance, le dévouement s’affaiblissent, le respect même disparaît. Ce que les mécontents disaient naguère derrière lui, ils osent le dire en face, et les plus amers sont les maréchaux, ces hommes qu’il a « écrasés d’honneur et de richesses ». Il y a des querelles, des scènes, des injures.