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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/499

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NAPOLÉON

vant le parterre de rois, se donnaient l’accolade. À Hanau, pour s’ouvrir le chemin, il faut passer sur le ventre des Bavarois, alliés d’hier, qui ont tourné casaque comme les Saxons. Rien n’étonne plus l’empereur. Désormais, il s’attend à tout. À Macdonald qui signale le danger et réclame du renfort, il répond avec indifférence : « Que voulez‑vous que j’y fasse ? Je donne des ordres et l’on ne m’écoute plus. » Macdonald insiste, demande pourquoi la Garde n’est pas déjà en marche. Il réplique froidement, pour la seconde fois : « Je n’y puis rien. » La discipline aussi n’est plus qu’un souvenir. Maréchaux, généraux n’ont jamais été des automates ni des adorateurs muets de l’idole. Ils continuaient de parler, de penser, ils gardaient l’esprit critique. Mécontents après les premiers revers, ils deviennent insolents après le désastre et leur révolte gronde. Augereau, le compagnon de la guerre d’Italie, l’homme à tout faire de fructidor, devenu duc de Castiglione, crie à tout venant : « Est-ce que le c… sait ce qu’il fait ? Vous ne voyez donc pas qu’il a perdu la tête ? Le lâche ! il nous abandonnerait. » Les meilleurs lui lancent des paroles cruelles. Un jour que l’état-major discute ses idées, l’empereur se tourne vers Drouot et, « pour mendier un suffrage au prix d’une flatterie », dit qu’il faudrait cent hommes comme celui-là. « Sire, vous vous trompez, répond Drouot, il vous en faudrait cent mille. » Les plus dévoués l’écrasent de ces répliques. Et si parfois Napoléon « déblatère » et se plaint de l’absence de zèle, s’il convient, mais rarement, que sa position est fâcheuse, et, en ce cas, « conclut toujours par espérer », il reste à l’ordinaire « morne et silencieux » et feint de ne pas entendre ce qui se dit, de ne pas comprendre ce qui se prépare. Le jour où Murat le quitte, invoquant les lettres qu’il vient de recevoir et qui le réclament à Naples, Napoléon l’accueille avec humeur mais ne lui parle plus de trahison. Il l’embrasse même de-