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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/509

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NAPOLÉON

toutes les formalités, la régence à Marie-Louise, Joseph lieutenant général de l’Empire. C’est le décor où seule la victoire mettra des réalités, si la victoire reste possible et Bonaparte a si peu d’illusions ! « Mes troupes ! mes troupes ! dit-il à Pasquier. Est-ce qu’on croit que j’ai encore une armée ? » Sur les services qu’il peut attendre des siens et sur leur fidélité, il ne s’abuse pas davantage. Il connaît la défection de Murat, passé à la coalition depuis quinze jours et qui croit sauver son trône alors qu’il tombe dans les filets de Metternich. En attaquant Eugène, en immobilisant l’armée d’Italie, qui serait si nécessaire en France, Murat contribue à la défaite de Napoléon. La sœur, le beau-frère qu’il a « tiré du néant », dont il a fait un roi — sur qui se reposer ? « C’est dans ma destinée de me voir constamment trahi par l’affreuse ingratitude des hommes que j’ai le plus comblés de bienfaits. » La fin qui s’approche sera laide. Mais il y a un moyen d’abréger, de se libérer. Napoléon qui ne tient pas aux choses, pas du tout aux gens — sauf « un peu à son fils », disait‑il à Metternich quelques mois plus tôt — ne tiendra pas, pendant ces quelques semaines, à la vie. Quand, le Ier janvier, il avait achevé son altière harangue aux députés par ces mots : « Avant trois mois, j’aurai fait la paix, les ennemis seront chassés de notre territoire ou je serai mort », on avait à peine écouté. Une phrase, du style. Il avait pourtant, au fond de l’âme, le désir de la grande évasion, et, dans la bouche, le goût de la cendre.

Cette campagne de France, si admirée, belle par l’audacieux génie de la conception, que l’envers en est vilain ! Le refrain de Napoléon la ponctue. On ne l’aide pas, on ne le sert pas. Personne n’a d’initiative ni d’idées. Et même, maintenant, on discute les ordres, on les exécute mal, on se dispense de les exécuter. « Je ne suis plus obéi. Vous avez tous plus d’esprit que moi et sans cesse on