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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/520

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LES BOTTES DE 1793

un parti. » La lettre de Beurnonville était l’argument. « Eh bien ! messieurs, puisqu’il en est ainsi, j’abdiquerai. » Il n’abdiquait encore qu’en faveur du roi de Rome, entre les mains de ses maréchaux, devenus les commissaires de l’armée auprès du gouvernement provisoire.

Dans la soudaineté où tout cela s’était fait, Napoléon restait comme incrédule. Il voyait, avec son esprit mobile, une chance suprême à tenter. Se jetant sur un canapé, se frappant la cuisse de la main il lance tout à coup d’un air dégagé : « Bah ! messieurs, laissons cela et marchons demain, nous les battrons. » Les maréchaux, glacés, répétèrent que leur décision était irrévocable et il n’insista plus. Mais ils convinrent, par précaution, que le commandement serait remis à Berthier qui donna sa parole de ne plus exécuter aucun ordre de Napoléon. « L’armée n’obéit plus qu’à ses généraux. » Ney vient de le dire en face à l’empereur déchu, désormais impuissant. C’est bien par le pouvoir militaire qu’il est déposé.

Toute la faute, et même la honte, a été rejetée sur Marmont qui, dans le même moment, mettait bas les armes et signait une capitulation avec Schwarzenberg. Par sa défection, le duc de Raguse privait l’empereur de la principale force qui restât, il lui retirait le dernier moyen de résistance. Il ne faisait pourtant qu’appliquer à Essonnes le mot d’ordre de Fontainebleau.

Devant l’insurrection des grands officiers, comment ne retrouverait‑on pas Napoléon tel qu’il a toujours été avec ceux qui l’ont desservi ou trahi, timide, et osant moins que jamais sévir ? Comment, en cette chute soudaine et tombant de si haut, ne passerait‑il pas encore par des successions de pensées si rapides que son esprit semble incertain et flottant jusqu’à l’incohérence ? Dans l’espace d’une heure, il a, le 4 avril, abdiqué et proposé de marcher sur Paris. Le 5, après avoir, de nouveau, parlé