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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/529

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NAPOLÉON

raineté d’un carré de légumes, comme Dioclétien à Salone ? » Mille fois non. Et puis il ne doit plus tarder. Avec le temps, son souvenir passera, ses vieux soldats auront disparu. Et les partisans, les émissaires qui viennent de France lui apprennent qu’on est mécontent, que les Bourbons restaurés ont été maladroits, débordés surtout, que beaucoup d’officiers, de dignitaires, ralliés à Louis XVIII par nécessité ou résignation, rejoindront les aigles si l’empereur se présente. Il est informé aussi que des conspirations militaires et républicaines se préparent, que, s’il ne se hâte pas, le gouvernement peut tomber aux mains de Carnot, ou de Fouché, ou d’un général, ce qui lui est le plus sensible. Il y a en tout cas les symptômes d’un mouvement. Napoléon voulut « l’aspirer ». Il semble bien que les renseignements apportés par un de ses anciens fonctionnaires, Fleury de Chaboulon, aient déterminé le départ de l’empereur.

À tout risque, il va jusqu’au bout de son idée, une fois sorti de l’irrésolution. Oubliant ses rancunes, il a conclu un accord avec Murat qui n’a pas trahi en vain puisque sa défection l’a laissé roi de Naples. Le départ de l’île d’Elbe est préparé avec autant de soin qu’une campagne de la Grande Armée, autant de dissimulation que le drame de Vincennes. Le roi d’Elbe feint de s’occuper de son île comme s’il n’en devait jamais sortir. Trois jours avant l’évasion, il ordonne encore des travaux. « Il faudra trois petits ponts près de Capoliveri. » Depuis le 16 février, Campbell est à Florence pour rendre compte de ce qui se passe. Il ne sait rien, pourtant il est inquiet. Le sous-secrétaire d’État Cook, qui vient du Congrès de Vienne, ne veut pas entendre le commissaire et rit de ses alarmes. D’ailleurs personne, en Europe, ne songe plus à Napoléon… Lorsque Campbell revint, le roi de l’Île d’Elbe s’était envolé.

On comprend alors Sainte‑Hélène, Hudson Lowe, les tracasseries. Napoléon