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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/542

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EMPEREUR ET AVENTURIER

rendre service comme si un 18 brumaire était à recommencer, ou à lui imposer un gouvernement de sa façon.

Ce ne sont que contradictions, malentendus, et tout ce qui se réunissait, au retour d’Égypte, pour rendre la position de Bonaparte plus forte, conspire, au retour de l’île d’Elbe, à la rendre plus faible. La France désire la paix. Depuis 1798, elle l’a toujours désirée. Maintenant elle ne croit plus que Napoléon puisse l’assurer par des victoires. Parmi ses promesses, il y a celle de ne pas faire la guerre, et la coalition s’est déjà renouée. Du moins se gardera‑t‑il d’être l’agresseur. Mais voici que Murat, redevenu son allié, le trahit une seconde fois, et d’une autre manière, en se lançant, de Naples, à la conquête de l’Italie, en attaquant les Autrichiens, et, ce qui est pire, en se faisant écraser à Tolentino. Comment, après cela, soutenir devant les Français la fable de l’alliance de famille, répondre de la cour de Vienne qui doit arrêter les autres puissances si elles ont le dessein d’attaquer l’empereur ? Murat, battu, vient chercher un refuge en France, et son beau‑frère, exaspéré, refuse de le voir. L’aventureux et versatile roi de Naples, Napoléon le rendra responsable du désastre de 1815, comme il l’a déjà rendu responsable du désastre de 1814.

Alors, puisque la guerre est inévitable, il faudrait réveiller la flamme de la Révolution. Elle était morte en 1814. Si elle se ranime en 1815, c’est contre le despotisme. Napoléon ne peut s’appuyer que sur des hommes dont l’esprit est républicain et qui limitent ses pouvoirs quand le salut public exigerait la dictature. Il est gêné par les entraves de l’Acte additionnel. « Un ours muselé qu’on entendait murmurer encore, mais que ses conducteurs conduisaient à leur façon », dira Mme de Staël. Il a dû, parce que tout le monde le lui a conseillé, pardonner à Fouché et lui rendre le ministère de la Police. Fouché, convaincu que tout sera fini après deux ou trois ba-