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Page:Jacques Bainville - Napoléon.djvu/94

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dans le Trentin, y poursuit Wurmser. Campagne audacieuse, étonnante chasse à l’homme où Bonaparte manque de peu son adversaire qui, redescendu dans la plaine, n’a d’autre ressource que de s’enfermer dans Mantoue.

Cette création incessante de thèmes stratégiques, cette fécondité de mouvements et de surprises où le calcul toujours lucide ne laisse au hasard que ce qu’il est impossible de lui retirer, cette présence d'esprit retrouvée après les défaillances, tout cela n’illustre pas seulement le génie napoléonien qui porte dans la guerre ce que Chateaubriand appelle « les inspirations du poète ». Le jeune général se met hors de pair parce qu’on remarque déjà que, loin de sa présence, l’action, sous ses lieutenants les meilleurs, mollit. Ce n’est pas tout. Ces batailles impétueuses, ces prodigieux redressements qui étendent sa renommée ont pour conséquence de grandir le personnage politique qui naît avec le proconsul d Italie.

Il grandit encore par contraste. Tandis qu’il reparaît victorieux à Milan, à Modène, à Bologne, à Ferrare, à Vérone, Moreau est contraint de battre en retraite sur le Rhin par la défaite que l’archiduc Charles a infligée à Jourdan. Eux, ils ont perdu l’Allemagne. Le rêve d’une marche convergente des deux armées sur Vienne s’évanouit. Tous les espoirs reposent sur Bonaparte, désormais seul à porter le poids de l’Autriche.

Le Directoire comprend ce que la situation a de chanceux. Si une paix honorable pouvait être conclue ? On n’y croit guère. Pourtant la France commence à se lasser. Pour la politique intérieure, pour les élections, il sera utile de pouvoir dire qu’on a négocié. Pitt est dans des dispositions semblables. Lord Malmesbury vient à Paris pour causer. Mais la République ne s’humilie pas devant l’Angleterre. En présence même de cet ambassadeur et « pour forcer le gouvernement britannique à traiter sincèrement »,