Aller au contenu

Page:Jacques Collin de Plancy - Dictionnaire infernal.pdf/146

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
CAR
CAR
— 138 —

bras armés de massues, de sabres et de flèches. Elle se prélasse à cheval sur un paon.

Cartomancie, divination par les cartes, plus connue sous le nom d’art de tirer les cartes. On dit que les cartes ont été inventées pour amuser la folie de Charles VI ; mais Alliette, qui écrivit sous le nom d’Etteilla, nous assure que la cartomancie, qui est l’art de tirer les cartes, est bien plus ancienne. Il fait remonter cette divination au jeu des bâtons d’Alpha (nom d’un Grec fameux exilé en Espagne, dit-il). Il ajoute qu’on a depuis perfectionné cette science merveilleuse. On s’est servi de tablettes peintes ; et quand Jacquemin Gringoœur offrit les cartes au roi Charles le Bien-Aimé, il n’avait eu que la peine de transporter sur des cartons ce qui était connu des plus habiles devins sur des planchettes. Il est fâcheux que cette assertion ne soit appuyée d’aucune preuve.

Cependant les cartes à jouer sont plus anciennes que Charles VI. Boissonade a remarqué que le petit Jehan de Saintré ne fut honoré de la faveur de Châties V que parce qu’il ne jouait ni aux


cartes ni aux dés. Il fallait bien aussi qu’elles fussent connues en Espagne lorsque Alphonse XI les prohiba en 1332, dans les statuts de l’ordre de la Bande. Quoi qu’il en soit, les cartes, d’abord tolérées, furent ensuite condamnées ; et c’est une opinion encore subsistante dans l’esprit de quelques personnes que qui tient les cartes tient le diable. C’est souvent vrai, au figuré. « Ceux qui font des tours de cartes sont sorciers le plus souvent, » dit Boguet. Il cite un comte italien qui vous mettait en main un dix de pique, et vous trouviez que c’était un roi de cœur[1]. Que penserait-il des prestidigitateurs actuels ?

Il n’est pas besoin de dire qu’on a trouvé tout dans les cartes, histoire, sabéisme, sorcellerie. Il y a même eu des doctes qui ont vu toute l’alchimie dans les figures ; et certains cabalistesont prétendu y reconnaître les esprits des quatre éléments. Les carreaux sont les salamandres, les cœurs sont les sylphes, les trèfles les ondins, et les piques les gnomes.

Arrivons à l’art de tirer les cartes. On se sert presque toujours, pour la cartomancie, d’un jeu de piquet de trente-deux cartes, où les figures n’ont qu’une tête. Les cœurs et les trèfles sont généralement bons et heureux ; les carreaux et les piques, généralement mauvais et malheureux. Les figures en cœur et en carreau annoncent des personnes blondes ou châtain-blond ; les figures en pique ou en trèfle annoncent des personnes brunes ou châtain-brun. Voici ce que signifie chaque carte : Les huit cœurs. — Le roi de cœur est un homme honorable qui cherche à vous faire du bien ; s’il est renversé, il sera arrêté dans ses loyales intentions. La dame de cœur est une femme honnête et généreuse de qui vous pouvez attendre des services ; si elle est renversée, c’est le présage d’un retard dans vos espérances. Le valet de cœur est un brave jeune homme, souvent un militaire, qui doit entrer dans votre famille et cherche à vous être utile ; il en sera empêché s’il est renversé. L’as de cœur annonce une nouvelle agréable ; il représente un festin ou un repas d’amis quand il se trouve entouré de figures. Le dix de cœur est une surprise qui fera grande joie ; le neuf promet une réconciliation, il resserre les liens entre les personnes qu’on veut brouiller. Le huit promet de la satisfaction de la part des enfants. Le sept annonce un bon mariage.

Les huit carreaux. — Le roi de carreau est un homme assez important qui pense à vous nuire, et qui vous nuira s’il est renversé. La dame est une méchante femme qui dit du mal de vous, et qui vous fera du mal si elle est renversée. Le valet de carreau est un militaire ou un messager qui vous apporte des nouvelles désagréables ; et s’il est renversé, des nouvelles fâcheuses. L’as de carreau annonce une lettre ; le dix de carreau, un voyage nécessaire et imprévu ; le neuf, un retard d’argent ; le huit, des démarches qui surprendront de la part d’un jeune homme ; le sept, un gain de loterie ; s’il se trouve avec l’as de carreau, assez bonnes nouvelles.

Les huit piques. — Le roi représente un commissaire, un juge, un homme de robe avec qui on aura des disgrâces ; s’il est renversé, perte d’un procès. La dame est une veuve qui cherche à vous tromper : si elle est renversée, elle vous

  1. Discours des sorciers, ch. liii.