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Page:Jacques Collin de Plancy - Dictionnaire infernal.pdf/260

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ETE
ÉTÉ
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douces comme le miel. Pour la commodité des âmes, il y a tout le long de l’étang des cruches en forme d’étoiles, toujours pleines de cette eau ; les fidèles en boiront avant d’entrer dans le paradis, parce que c’est l’eau de la vie éternelle, et que si l’on en boit seulement une goutte, on n’a plus rien à désirer.

Éternité. Boëce définit l’éternité : l’entière, parfaite et complète possession d’une manière d’exister, sans commencement, sans fin, sans aucune succession. Le latin est plus rapide : Interminabilis vitæ tota simul et perfecta possessio. L’éternité n’a point de parties qui se succèdent ; elle ne va point par le présent du passé au futur, comme fait le temps ; elle est un présent continuel. Voilà pourquoi, comme le remarquent les théologiens, Dieu dit en parlant de lui-même : Ego sum qui sum. L’éternité n’appartient qu’à Dieu ; elle ne peut être communiquée à aucune créature, puisque ce qui est créé a un commencement. Mais pourtant on dit l’éternité, pour désigner la vie future des intelligences créées, vie qui n’aura point de fin. Dans ce sens il y aura dans le ciel l’éternité de bonheur pour les justes et dans l’enfer l’éternité de peines pour les réprouvés. C’est un dogme que les cerveaux impies ont combattu, mais qu’ils n’ont pu ébranler ; et saint Thomas d’Aquin en a démontré la nécessité équitable.

Éternument. On vous salue quand vous éternuez, pour vous marquer, dit Aristote, qu’on honore votre cerveau, le siège du bon sens et de l’esprit. Cette politesse s’étend jusque chez les peuples que nous traitons de barbares. Quand l’empereur du Monomotapa éternuait, ses sujets en étaient avertis par un signal convenu, et il se faisait des acclamations générales dans tous ses États. Le père Famien Strada prétend que, pour trouver l’origine de ces salutations, il faut remonter jusqu’à Prométhée ; que cet illustre contrefacteur de Jupiter, ayant dérobé un rayon solaire dans une petite boîte pour animer sa statue, le lui insinua dans les narines comme une prise de tabac, ce qui la fit éternuer aussitôt. Les rabbins soutiennent que c’est à Adam qu’il faut faire honneur du premier éternument. Dans l’origine des temps, c’était, dit-on, un mauvais pronostic et le présage de la mort. Cet état continua jusqu’à Jacob, qui, ne voulant pas mourir pour cause aussi légère, pria Dieu de changer cet ordre de choses ; et c’est de là qu’est venu, selon ces docteurs, l’usage de faire des souhaits heureux quand on éternue. On a trouvé une autre raison de cette politesse ; c’est que, sous le pontificat de saint Grégoire le Grand, il y eut en Italie une sorte de peste qui se manifestait par des éternuments ; tous les pestiférés éternuaient ; on se recommanda à Dieu, et c’est de là qu’est venue l’opinion populaire que la cou-


tume de se saluer tire son origine d’une maladie épidémique qui emportait ceux dont la membrane pituitaire était stimulée trop vivement.

En général l’éternument chez les anciens était pris tantôt en bonne, tantôt en mauvaise part, suivant les temps, les lieux et les circonstances. Un bon éternument était celui qui arrivait depuis midi jusqu’à minuit, et quand la lune était dans les signes du Taureau, du Lion, de la Balance, du Capricorne et des Poissons ; mais s’il venait de minuit à midi, si la lune était dans le signe de la Vierge, du Verseau, de l’Écrevisse, du Scorpion ; si vous sortiez du lit ou de la table, c’était alors le cas de se recommander à Dieu[1].

  1. M. Salgues, Des erreurs et des préjugés. Quelques savants, entre autres Perkains et Voet, ont blâmé la coutume de saluer l’éternument, parce