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Page:Jacques Collin de Plancy - Dictionnaire infernal.pdf/274

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FÉE
FEL
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montre une autre grotte des fées, ou grottes des demoiselles, dont on fait des contes merveilleux. On voit à Merlingen, en Suisse, une citerne noire qu’on appelle le puits de la fée. Non loin de Bord-Saint-Georges, à deux lieues de Chambon, on respecte encore les débris d’un vieux puits qu’on appelle aussi le puits des fées ou fades, et sept bassins qu’on a nommés les creux des fades. On voit près de là, sur la roche de Beaune, deux empreintes de pied humain : l’une est celle du pied de saint Martial, l’autre appartient, suivant la tradition, à la reine des fées, qui, dans un moment de fureur, frappa si fortement le rocher de son pied droit qu’elle en laissa la marque. On ajoute que, mécontente des habitants du canton, elle tarit les sources minérales qui remplissaient les creux des fées, et les fit couler à Évaux, où elles sont encore. On voyait près de Domremy l’arbre des fées : Jeanne d’Arc fut même accusée d’avoir eu des relations avec les fées qui venaient danser sous cet arbre.

On remarque dans la petite île de Concourie, à une lieue de Saintes, une haute butte de terre qu’on appelle le Mont des fées. La Bretagne est pleine de vestiges semblables : plusieurs fontaines y sont encore consacrées à des fées, lesquelles métamorphosent en or. en diamant, la main des indiscrets qui souillent l’eau de leurs sources[1]. Le mail d’Amiens, appelé aujourd’hui promenade de la Hautoye, était autrefois le mail des fées.

Le comte d’Angeweiller épousa une fée, comme le rapporte Tallemant des Réaux ; elle lui donna un gobelet, une cuiller et une bague, trois merveilleux objets qui restèrent dans sa famille comme gages de bonheur. On lit aussi dans la légende de saint Armentaire, écrite en l’an 1300, quelques détails sur la fée Esterelle, qui vivait auprès d’une fontaine où les Provençaux lui apportaient des offrandes. Elle donnait des breuvages enchantés aux femmes. Le monastère de Notre-Dame de l’Esterel était bâti sur le lieu qu’avait habité cette fée. Mélusine était encore une fée ; il y avait dans son destin cette particularité, qu’elle était obligée tous les samedis de : prendre la forme d’un serpent dans la partie inférieure de son corps. La fée qui épousa le seigneur d’Argouges, au commencement du quinzième siècle, l’avait, dit-on, averti de ne jamais parler de la mort devant elle ; mais un jour qu’elle s’était fait longtemps attendre, son mari, impatienté, lui dit qu’elle serait bonne à aller chercher la mort. Aussitôt la fée disparut en’laissant les traces de ses mains sur les murs, contre lesquels elle frappa plusieurs fois de dépit. C’est depuis ce temps que la noble maison d’Arj gouges porte dans ses armes trois mains posées en pal, et une fée pour cimier. L’époux de Mé ! I usine la vit également disparaître pour n’avoir, pu vaincre la curiosité de la regarder à travers la porte dans sa métamorphose du samedi L La reine des fées est Titania, épouse du roi ; Obéron, qui a inspiré à Wieland un poëme céi lèbre en Allemagne.

Felgenhaver (Paul), visionnaire allemand du dix-septième siècle. Il se vantait d’avoir reçu de Dieu la connaissance du présent, du passé et de l’avenir ; il prêchait un esprit astral, soumis aux régénérés (ses disciples), lequel esprit astral est celui qui a donné, dit-il, aux prophètes et aux apôtres le pouvoir d’opérer des prodiges et de chasser les démons. Ayant été mis en prison à cause de quelque scandale qu’il avait causé, il composa un livre où il prouvait là divinité de sa mission par ses souffrances. Il y raconte une révélation dont le Seigneur, à ce qu’on disait, l’avait favorisé. Ses principaux ouvrages sont :

Chronologie ou efficacité des années du monde, sans désignation du lieu d’impression, 1620, in-4o. Il prétend y démontrer que le monde est de deux cent trente-cinq ans plus vieux qu’on ne le croit : que Jésus-Christ est né l’an ! |235 de la création : et il trouve de grands mystères dans ce nombre, parce que le double septénaire y est contenu[2]. Or, le monde ne pouvant pas subsister plus de six mille ans, il n’avait plus, en 1620, à compter que sur une

  1. Le Quimpérois racontait, il y a quinze ans, une singulière aventure arrivée auprès de Châteaulin :

    « Le bateau à vapeur le Parisien, revenant du pardon de Sainte-Philomène à Landévénec, coula dan ? la rivière de Chàteaulin. Il faisait nuit ; les dames j qui se trouvaient à bord furent débarquées comme les autres passagers sur la plage. Elles se dirigèrent vers une métairie située à quelque distance pour y demander l’hospitalité. Le fermier, qui était couché, vint à leur appel ouvrir sa porte. Mais aussitôt qu’il les eut vues dans leurs élégantes et blanches parures, il ferma vivement son huis et refusa obstinément de les re revoir, les prenant pour des fées ou pour des fantômes. Le jour, toute la ferme eût été à leur disposition, elles y eussent été reçues comme des reines ; la nuit, elles en furent chassées comme des esprits malfaisants. Si pareille aventure arrivait à tel de nos poètes ou antiquaires celtiques, on les verrait sans doute moins épris des naïves et touchantes superstitions de la Bretagne. »

  2. C’est de la cabale : comme en a fait dans l’almanach prophétique M. Eug. Bareste : 4.235 se composent de quatre chiffres qu’on additionne :
    4
    2
    3
    5
    --
    14 ou deux fois 7.

    Mais 4.136 donnent le même résultat, aussi bien qu’une foule d’autres combinaisons de quatre chiffres, par exemple. 3.245. 2.453. etc. à moins qu’on ne veuille prendre le premier et le troisième chiffre qui font 7. comme le second avec le quatrième ; ce qui ne fait que diminuer le nombre des combinaisons.