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Page:Jacques Collin de Plancy - Dictionnaire infernal.pdf/301

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brut qui ait produit des chefs-d’œuvre. Les grands poètes et les grands peintres ne sont pourtant devenus grands qu’à force de travail. Le génie, a dit Buffon, c’est la patience ; et Socrate, né vicieux, est devenu homme de bien. Avant Gall et Spurzheim, son élève, les vieux physiologistes n’avaient jeté que des idées vagues sur la crânologie, ou crânoscopie, ou phrénologie, qui est l’art de juger les hommes au moral

par la conformation du crâne et ses protubérances. Gall et Spurzheim en firent un système qui, à son apparition, divisa le public en deux camps, comme c’est l’usage ; les uns admirèrent et applaudirent ; les autres doutèrent et firent de l’opposition. Peu à peu on reconnut des vérités dans les inductions crânologiques des deux Allemands. Le système devint une science ; la médecine légale y recourut ; aujourd’hui il y a des chaires de crânologie, et peut-être que cette science, dont on avait commencé par rire, deviendra un auxiliaire de la procédure criminelle.

On a soutenu fréquemment que l’âme a son siège dans le cerveau. Dans toute l’échelle de la création, la masse du cerveau et des nerfs augmente en raison de la capacité pour une éducation plus élevée. La gradation, pour ne parler ici que matériellement, a lieu jusqu’à l’homme, qui, parmi tous les êtres créés, roi de la création, est susceptible du plus haut degré d’ennoblissement, et à qui Dieu a donné le cerveau le plus parfait et proportionnellement le plus grand. Il y a dans certains animaux certaines dispositions innées. Il y a immensément de ces dispositions dans l’homme, que peut-être on n’aurait jamais dû comparer à ce qui n’a pas comme lui la raison. L’histoire nous offre plusieurs grands hommes qui, dès leur tendre jeunesse, ont eu un penchant décidé pour tel art ou telle science. La plupart des grands peintres et des poêles distingués se sont livrés aux beaux-arts par cette inclination et sont devenus fameux quelquefois malgré leurs parents. Ces dispositions peuvent être développées et perfectionnées par l’éducation ; mais elle n’en donne pas le germe, car les premiers indices de ces talents commencent à se montrer quand les enfants ne sont pas encore propres à une éducation proprement dite.

Dans le règne animal, toutes les espèces ont des inclinations qui leur sont particulières : la cruauté du tigre, l’industrie du castor, l’adresse de l’éléphant, sont dans chaque individu de ces espèces, sauf quelques variations accidentelles. L’homme n’est pas ainsi restreint dans une spécialité.

De même donc qu’il y a des dispositions innées, de même il existe autant d’organes rassemblés et placés les uns près des autres dans le cerveau, qui est le mobile des fonctions supérieures de la vie. Ces organes s’expriment sur la surface du cerveau par des protubérances. Plus ces protubérances sont grandes, plus on doit s’attendre à de grandes dispositions. Ces organes, exprimés à la surface du cerveau, produisent nécessairement des protubérances à la surface extérieure du crâne, enveloppe du cerveau depuis sa première existence dans le sein maternel. Cette thèse au reste n’est applicable qu’aux cerveaux sains en général, les maladies pouvant faire des exceptions. Mais il ne faut pas, comme a fait Gall, l’appliquer aux vertus et aux vices, qui seraient sans mérite si les bosses du crâne les donnaient. Ce serait admettre une fatalité matérielle. S’il est vrai qu’un voleur ait la protubérance du vol, c’est son mauvais penchant qui, peu à peu, a fait croître la protubérance en agissant sur le cerveau. Mais la protubérance antérieure n’est pas vraie.

Voici une notice rapide de tout ce système : L’instinct de propagation se manifeste par deux éminences placées derrière l’oreille immédiatement au-dessus du cou. Cet organe est plus fortement développé chez les mâles que chez les femelles. L’amour des enfants est dans la plus étroite union avec ces organes. Aussi la protubérance qui le donne est-elle placée auprès de celle qui indique l’instinct de la propagation. Elle s’annonce par deux éminences sensibles derrière la tête, au-dessus de la nuque, à l’endroit où se termine la fosse du cou. Elle est plus forte chez les femelles que chez les mâles ; et si on compare les crânes des animaux, on le trouvera plus prononcé dans celui du singe que dans tout autre. L’organe de l’amitié et de la fidélité est placé dans la proximité de celui des enfants ; il se présente des deux côtés par deux protubérances arrondies, dirigées vers l’oreille. On le trouve dans