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Page:Jacques Collin de Plancy - Dictionnaire infernal.pdf/429

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esprits horribles qui dansaient autour de la maison, et ensuite des corbeaux maigres qui accompagnèrent le corps en croassant jusqu’à Wittemberg…

La dispute de Luther avec le diable a fait beaucoup de bruit. Un religieux vint un jour frapper rudement à sa porte, en demandant à lui parler. Le renégat ouvre ; le prétendu moine regarde un moment le réformateur et lui dit : — J’ai découvert dans vos opinions certaines erreurs papistiques sur lesquelles je voudrais conférer avec vous. — Parlez, répond Luther. L’inconnu proposa d’abord quelques discussions assez simples, que Luther résolut aisément. Mais chaque question nouvelle était plus difficile que la précédente, et le moine supposé exposa bientôt des syllogismes très-embarrassants. Luther, offensé, lui dit brusquement : — Vos questions sont trop embrouillées ; j’ai pour le moment autre chose à faire que de vous répondre. Cependant il se levait pour argumenter encore, lorsqu’il remarqua que le religieux avait le pied fendu et les mains armées de griffes. — N’es-tu pas, lui dit-il, celui dont la naissance du Christ a dû briser la tête ?

Et le diable, qui s’attendait avec son ami à un combat d’esprit et non à un assaut d’injures, reçut dans la figure l’encrier de Luther, qui était de plomb[1] : il dut en rire à pleine gorge. On montre encore sur la muraille, à Wittemberg, les éclaboussures de l’encre. On trouve ce fait rapporté, avec quelque différence de détails, dans le livre de Luther lui-même sur la messe

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privée, sous le titre de Conférence de Luther avec le diable[2]. Il conte que, s’étant éveillé un jour, vers minuit, Satan disputa avec lui, l’éclaira sur les erreurs du Catholicisme et l’engagea à se séparer du Pape. C’est donner à sa secte une assez triste origine. L’abbé Cordemoy pense, avec beaucoup d’apparence de raison, que certains critiques ont tort de prétendre que cette pièce n’est pas de Luther. Il est constant qu’il était très-visionnaire ; M. Michelet l’a reconnu positivement, ce qui doit suffire aux incrédules ; pour les croyants, il était très en état de voir le diable. Il est même possible que la bravade de l’encrier soit une vanterie.

Lutins. Les lutins sont du nombre des démons qui ont plus de malice que de méchanceté. lisse plaisent à tourmenter les gens et se contentent de faire plus de peur que de mal. Cardan parle d’un de ses amis qui, couchant dans une chambre que hantaient les lutins, sentit une main froide et molle comme du coton passer sur son cou et son visage, et chercher à lui ouvrir la bouche. Il se garda bien de bâiller ; mais, s’éveillant en sursaut, il entendit de grands éclats de rire sans rien voir autour de lui. Leloyer raconte que de son temps il y avait de mauvais garnements qui faisaient leurs sabbats dans les cimetières pour établir leur réputation et se faire craindre, et que, quand ils y étaient parvenus, ils allaient dans les maisons buffeter le bon vin.

  1. Mélanchthon, De examin. theolog. operum, t. I.
  2. Colloquium Lutherum inter et diabolum, ab ipso Luthero conscriptum, in ejus libro de Missa privata, etc.