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Les habitants s’écriaient que c’était l’ange exterminateur ; et la consternation devenait générale, lorsqu’un ecclésiastique fit remarquer que ce qu’on voyait n’était que la représentation dans les nuées d’un ange de marbre blanc placé au haut du clocher de Saint-Gothard.

Angeweiller (Le comte d’) épouse de la main gauche une fée qui lui laisse des dons merveilleux. Voy. Fées[1].

Anguekkok, espèce de sorciers auxquels les Groenlandais ont recours dans leurs embarras. Quand les veaux marins ne se montrent pas en assez grand nombre, on va prier l’anguekkok d’aller trouver la femme prodigieuse qui, selon la tradition, a traîné la grande île de Disco de la rivière de Baal, où elle était située autrefois, pour la placer à plus de cent lieues de là, à l’endroit ou elle se trouve aujourd’hui. D’après la légende, cette femme habite au fond de la mer, dans une vaste maison gardée par les veaux marins ; des oiseaux de mer nagent dans sa lampe d’huile de poisson, et les habitants de l’abîme se réunissent autour d’elle, attirés par son éclat, sans pouvoir la quitter, jusqu’à ce que l’anguekkok la saisisse par les cheveux, et, lui enlevant sa coiffure, rompe le charme qui les retenait auprès d’elle.

Quand un Groenlandais tombe malade, c’est encore l’anguekkok qui lui sert de médecin ; il se charge également de guérir les maux du corps et ceux de l’âme[2]. Voy. Torngarsuk.

Anguille. Les livres de secrets merveilleux donnent à l’anguille des vertus surprenantes. Si on la laisse mourir hors de l’eau, qu’on mette ensuite son corps entier dans de fort vinaigre mêlé avec du sang de vautour, et qu’on place le tout sous du fumier, cette composition « fera ressusciter tout ce qui lui sera présenté, et lui redonnera la vie comme auparavant[3] ».

Des autorités de la même force disent encore que celui qui mange le cœur tout chaud d’une anguille sera saisi d’un instinct prophétique, et prédira les choses futures.

Les Égyptiens adoraient l’anguille, que leurs prêtres seuls avaient droit de manger.

On a beaucoup parlé, dans le dernier siècle, des anguilles formées de farine ou de jus de mouton ; c’était une de ces plaisanteries qu’on appelle aujourd’hui des canards.

N’oublions pas le petit trait d’un avare, rapporté par Guillaume de Malmesbury, doyen d’Elgin, dans la province de Murray, en Écosse, lequel avare fut, par magie, changé en anguille et mis en matelote[4].

Animaux. Ils jouent un grand rôle dans les anciennes mythologies. Les païens en adoraient plusieurs, ou par terreur, ou par reconnaissance, ou par suite des doctrines de la métempsycose. Chaque dieu avait un animal qui lui était dévoué.

Les anciens philosophes avaient parfois, au sujet des animaux, de singulières idées. Celse, qui a été si bien battu par Origène, soutenait que les animaux ont plus de raison, plus de sagesse, plus de vertu que l’homme (peut-être jugeait-il d’après lui-même), et qu’ils sont dans un commerce plus intime avec la Divinité. Quelques-uns ont cherché dans de telles idées l’origine du culte que les Égyptiens rendaient à plusieurs animaux. Mais d’autres mythologues vous diront que ces animaux étaient révérés, parce qu’ils avaient prêté leur peau aux dieux égyptiens en déroute et obligés de se travestir. Voy. Âme des bêtes.

Divers animaux sont très-réputés dans la sorcellerie, comme le coq, le chat, le crapaud, le bouc, le loup, le chien, ou parce qu’ils accompagnent les sorcières au sabbat, ou pour les présages qu’ils donnent, ou parce que les magiciens et les démons empruntent leurs formes. Nous en parlerons à leurs articles particuliers.

Dix animaux sont admis dans le paradis de Mahomet : la baleine de Jonas, la fourmi de Salomon, le bélier d’Ismaël, le veau d’Abraham, l’ânesse de Balaam, la chamelle du prophète Saleh, le bœuf de Moïse, le chien des sept dormants, le coucou de Balkis, reine de Saba, et la mule de Mahomet. Voy. Borack.

Nous ne dirons qu’un mot d’une erreur populaire qui, aujourd’hui, n’est plus très-enracinée. On croyait autrefois que toutes les espèces qui sont sur la terre se trouvaient aussi dans la mer. Le docteur Brown a prouvé que cette opinion n’était pas fondée. « Il serait bien difficile, dit-il, de trouver l’huître sur la terre ; et la panthère, le chameau, la taupe ne se rencontrent pas dans l’histoire naturelle des poissons. D’ailleurs le renard, le chien, l’âne, le lièvre de mer ne ressemblent pas aux animaux terrestres qui portent le même nom. Le cheval marin n’est pas plus un cheval qu’un aigle ; le bœuf de mer n’est qu’une grosse raie ; le lion marin, une espèce d’écre-

  1. Voyez aussi la Fée d’Angeweiller, dans les Légendes des esprits et des démons.
  2. Expédition du capitaine Graah dans le Groenland.
  3. Admirables secrets d’Albert le Grand, liv. II, ch. iii.
  4. Cité par M. Salgues, Des erreurs et des préjugés.