Aller au contenu

Page:Jacques Collin de Plancy - Dictionnaire infernal.pdf/548

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
PIE
PIE
— 540 —

remède spécifique et universel qui procure à ceux qui le prennent une espèce d’immortalité.

Zosime, qui vivait au commencement du cinquième siècle, est un des premiers parmi nous qui aient écrit sur l’art de faire de l’or et de l’argent, ou la manière de fabriquer la pierre philosophale. Cette pierre est une poudre ou une liqueur formée de divers métaux en fusion sous une constellation favorable.

Gibbon remarque que les anciens ne connaissaient pas l’alchimie. Cependant on voit dans Pline que l’empereur Caligula entreprit de faire de l’or avec une préparation d’arsenic, et qu’il abandonna son projet, parce que les dépenses l’emportaient sur le profit.

Des partisans de cette science prétendent que les Égyptiens en connaissaient tous les mystères. Cette précieuse pierre philosophale, qu’on appelle aussi élixir universel, eau du soleil, poudre de projection, qu’on a tant cherchée, et que sans doute on n’a jamais pu découvrir[1], procurerait à celui qui aurait le bonheur de la posséder des richesses incompréhensibles, une santé toujours florissante, une vie exempte de toutes sortes de maladies, et même, au sentiment de plus d’un cabaliste, l’immortalité… Il ne trouverait rien qui put lui résister, et serait sur la terre le plu ? glorieux, le plus puissant, le plus riche et le plus heureux des mortels ; il convertirait à son gré tout en or, et jouirait de tous les agréments. L’empereur Rodolphe n’avait rien plus à cœur que cette recherche. Le roi d’Espagne Philippe II employa, dit-on, de grandes sommes à faire travailler les chimistes aux conversions des métaux. Tous ceux qui ont marché sur leurs traces n’ont pas eu de grands succès. Quelques-uns donnent cette recette comme le véritable secret de faire l’œuvre hermétique : Mettez dans une fiole de verre fort, au feu de sable, de l’élixir d’Aristée, avec du baume de mercure et une pareille pesanteur du plus pur or de vie ou précipité d’or, et la calcination qui restera au fond de la fiole se multipliera cent mille fois. Que si l’on ne sait comment se procurer de l’élixir d’Aristée et du baume de mercure, on peut implorer les esprits cabalistiques, ou même, si on l’aime mieux, le démon barbu, dont nous avons parlé.

On a dit aussi que saint Jean l’évangéliste avait enseigné le secret de faire de l’or ; et en effet, on chantait autrefois dans quelques églises une hymne en son honneur, où se trouve une allégorie que les alchimistes s’appliquent :

          Inexhaustum fert thesaurum
          Qui de virgis facit aurum.
          Gemmas de lapidibus.

D’autres disent que, pour faire le grand œuvre, il faut de l’or, du plomb, du fer, de l’antimoine, du vitriol, du sublimé, de l’arsenic, du tartre, du mercure, de la terre et de l’air, auxquels on joint un œuf de coq, du crachat, de l’urine et des excréments humains. Aussi un philosophe a dit avec raison que la pierre philosophale était une salade, et qu’il y fallait du sel, de l’huile et du vinaigre.

Nous donnerons une plus ample idée de la matière et du raisonnement des adeptes en présentant au lecteur quelques passages du Traité de chimie philosophique et hermétique, publié à Paris en 1725[2]. « Au commencement, dit l’auteur, les sages, ayant bien considéré, ont reconnu que l’or engendre l’or et l’argent, et qu’ils peuvent se multiplier dans leurs espèces.

» Les anciens philosophes, travaillant par la voie sèche, ont rendu une partie de leur or volatil, et l’ont réduit en sublimé blanc comme neige et luisant comme cristal ; ils ont converti l’autre partie en sel fixe ; et de la conjonction du volatil avec le fixe, ils ont fait leur élixir. Les philosophes modernes ont extrait de l’intérieur du mercure un esprit igné, minéral, végétal et multiplicatif, dans la concavité humide duquel est caché le mercure primitif ou quintessence universelle. Par le moyen de cet esprit, ils ont attiré la semence spirituelle contenue en l’or ; et par cette voie, qu’ils ont appelée voie humide, leur soufre et leur mercure ont été faits : c’est le mercure des philosophes, qui n’est pas solide comme le métal, ni mou comme le vif-argent, mais entre les deux. Ils ont tenu longtemps ce secret caché, parce que c’est le commencement, le milieu et la fin de l’œuvre ; nous l’allons découvrir pour le bien de tous, il faut donc pour faire l’œuvre : 1o purger le mercure avec du sel et du vinaigre (salade) ; 2o le sublimer avec du vitriol et du salpêtre ; 3o le dissoudre dans l’eau-forte ; 4o le sublimer derechef ; 5o le calciner et le fixer : 6o en dissoudre une partie par défaillance à la cave, où il se résoudra en liqueur ou huile (salade) : 7o distiller cette liqueur pour en séparer L’eau spirituelle, l’air et le feu : 8o mettre de ce corps mercuriel calciné et fixé dans l’eau spirituelle ou esprit liquide mercuriel distillé ; 9o les putréfier ensemble jusqu’à la noirceur ; puis il s’élèvera en superficie de l’esprit un soufre blanc non odorant, qui est aussi appelé sel ammoniac ; 10o dissoudre ce sel ammoniac dans l’esprit mercuriel liquide, puis le distiller jusqu’à ce que tout passe en liqueur, et alors sera fait le vinaigre des sages ; 11o cela parachevé, il faudra passer de l’or à l’antimoine par trois fois, et après le réduire en chaux : 12o mettre cette

  1. Voyez pourtant Raymond Lulle, quant à ce qui concerne l’or.
  2. Traité de chimie philosophique et hermétique, enrichi des opérations les plus curieuses de l’art, sans nom d’auteur. Paris, 1755. in-12. avec approbation signée Audry, docteur en médecine, et privilège du roi.