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Page:Jacques Collin de Plancy - Dictionnaire infernal.pdf/604

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SAR
SAT
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Sare (Marguerite de). Prévenue de sorcellerie à seize ans, elle mourut en prison à Bordeaux, où elle avait été renfermée pour avoir fait un pacte avec le diable[1] vers l’an 1600.

Sarmenius-Lapis, pierre à laquelle on attribuait la vertu de prévenir les avortements.

Sas, divination par le sas ou tamis. Voy. Cosquinomancie.

Satan, démon du premier ordre, du troisième selon Réginald Scott, chef des démons et de l’enfer, selon l’opinion générale ; démon de la discorde, selon les démonomanes, prince révolutionnaire dans l’empire de Belzébuth. Quand les anges se révoltèrent contre Dieu, Satan, alors gouverneur d’une partie du nord dans le ciel, se mit à la tête des rebelles ; il fut vaincu et précipité dans l’abîme. Le nom de Satan en hébreu veut dire ennemi, adversaire. Milton dit que Satan est semblable à une tour par sa taille, et, un peu plus loin, il fixe sa hauteur à quarante mille pieds. Il n’est pas invoqué dans les litanies du sabbat.

On a publié, il y a vingt ans, une Lettre de Satan aux francs-maçons ; elle eût pu être plus piquante. On a vu de nos jours, à Paris, un journal intitulé d’abord Satan, et ensuite le Corsaire-Satan, comme il y en avait un à Bruxelles intitulé Méphistophélès. Ce ne sont pas des esprits bien spirituels qui se mettent ainsi sous le couvert des esprits malins.

Satan, un jour, s’est montré à Faust, sous la forme d’un âne, avec des cornes longues d’une aune et la queue d’un chat[2].

Satanaki. On voit dans Psellus que les manichéens, ou du moins quelques-unes de leurs sectes, rendaient un culte à Satanaki, créateur des animaux et des plantes.

Satamins, démons contradicteurs de la suite de Satan, dans la cabale juive.

Satanalogie. Dans un tableau remarquable des écarts de l’école philosophique allemande, publié à Louvain il y a quelques années, le savant professeur Moeller a consacré un curieux chapitre à la satanalogie. Nous ne pouvons faire mieux que de le reproduire ici :

« La théorie du Christianisme de Schelling serait incomplète s’il avait passé sous silence l’esprit puissant qui, depuis le commencement des choses, a joué un si grand rôle dans le monde. La satanalogie, ou la théorie du démon, ne pouvait manquer de trouver place dans son système. Ce chapitre de sa philosophie actuelle est si remarquable, il renferme des idées sur la nature du démon tellement neuves (mais erronées), il présente sur cette puissance méconnue jusqu’ici des vues et des éclaircissements si extraordinaires, qu’il mérite de fixer toute l’attention des savants. Nous l’exposerons donc à nos lecteurs, espérant qu’ils parviendront à comprendre le vrai sens des idées du philosophe de Berlin.

» Satan, selon lui, était d’abord une puissance, un principe universel : tout le système repose, comme on sait, sur des puissances qui précèdent des réalités. Dieu lui-même débute[3] comme puissance, et il en est de même du démon. Schelling avoue cependant que le mot hébreu husatan, avec l’article défini, signifie un adversaire déterminé, qu’on peut concevoir comme personne individuelle ou comme esprit général.

» Dans le Nouveau Testament, Satan est représenté comme l’adversaire du Christ, qui est venu pour détruire ses œuvres. Cette position du prince des ténèbres prouve sa dignité. S’il n’eût été qu’une simple créature, la lutte, qui ne peut avoir lieu qu’entre des puissances égales, n’aurait pas été possible entre le Christ et Satan. Le Christ n’aurait pas eu un adversaire digne de lui, s’il n’avait eu affaire qu’à une pauvre créature. Les grands préparatifs, les travaux et les souffrances du Sauveur ne pourraient alors se comprendre, dit-il. On a jusqu’ici regardé le diable comme une créature qui, bonne d’abord, devint méchante ; mais, selon Schelling, c’est une erreur. Les bogomiles, secte hérétique du onzième siècle, avaient mieux compris la nature du démon, dont ils faisaient le frère aîné du Christ… Dans le Nouveau Testament, Satan est nommé le prince de ce monde : l’apôtre saint Paul l’appelle même le dieu de ce monde. Il a ses anges, ses ministres à lui ; voilà des dignités auxquelles une simple créature ne peut aspirer. Il est donc évident, pour Schelling, que Satan est un principe ou une puissance ; qu’il est reçu dans l’économie de Dieu, dans l’ensemble des puissances, et que nous lui devons du respect comme à une puissance légitime…

» Il n’est pas permis, dit Schelling, de le méconnaître, de le mépriser, de s’en moquer. Témoin l’apôtre saint Jude, qui, parlant de lui, dit que l’archange Michel, dans la contestation qu’il eut avec le démon touchant le corps de Moïse, n’osa le condamner avec exécration et se contenta de lui dire : « Que le Seigneur te réprime ! » (Epist., vers. 9.) Le même apôtre, continue Schelling, blâme ceux qui méconnaissent la dignité des démons, et dit d’eux : « Ces personnes méprisent la domination et blasphèment la majesté. » (Vers. 8.) L’apôtre nomme ici le démon la domination, s’il faut suivre l’interprétation de Schelling, comme on dit sa seigneurie en parlant d’un seigneur ; car c’est de la majesté du démon qu’il est question, dit-il. Saint Pierre, dans sa seconde épître, se trouve d’accord avec saint Jude ; il parle également, en les blâmant, de ces personnes qui méprisent les puissances. (Vers. 10.) Dans ces puissances, le philosophe allemand voit

  1. Delancre, Tabl. de l’inconstance des démons, etc., p. 95.
  2. M. François Hugo, le Faust anglais.
  3. Pour nous.