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Page:Jacques Collin de Plancy - Dictionnaire infernal.pdf/670

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TOR
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gieuses et d’aventures de spectres et de fantômes.

Torreblanca (François), jurisconsulte de Cordoue, auteur d’un livre curieux sur les crimes des sorciers[1].

Torture. Quand on employait la torture contre les sorciers et que les tourments ne les faisaient pas avouer, on disait que le diable les rendait insensibles à la douleur.

Totam, esprit qui garde chaque sauvage de l’Amérique septentrionale. Ils se le représentent sous la forme de quelque bête, et, en conséquence, jamais ils ne tuent, ni ne chassent, ni ne mangent l’animal dont ils pensent que leur totam a pris la figure.

Toupan, esprit malin qui préside au tonnerre chez les naturels brésiliens.

Tour de force. Delrio rapporte cette histoire plaisante. Deux troupes de magiciens s’étaient réunies en Allemagne pour célébrer le mariage d’un grand prince. Les chefs de ces troupes étaient rivaux et voulaient chacun jouir sans partage de l’honneur d’amuser la cour. C’était le cas de combattre avec toutes les ressources de la sorcellerie. Que fit l’un des deux magiciens ? Il avala son confrère, le garda quelque temps dans son estomac, et le rendit ensuite par où vous savez. Cette espièglerie lui assura la victoire. Son rival, honteux et confus, décampa avec sa troupe et alla plus loin prendre un bain et se parfumer.

Tour de Montpellier. Il y a sans doute en-

 
Tour de Montpellier
Tour de Montpellier
 
core à Montpellier une vieille tour que le peuple de cette ville croit aussi ancienne que le monde ; sa chute doit précéder de quelques minutes la déconfiture de l’univers.

Tour des Rats. Voy. Hatton II.

Tour de Wigla, tour maudite de la Norvège, où le roi païen Vermund fit brûler les mamelles de sainte Ethelrède avec du bois de la vraie croix, apportée à Copenhague par Olaüs III. On dit que depuis on a essayé inutilement de faire une chapelle de cette tour maudite ; toutes les croix qu’on y a placées successivement ont été consumées par le feu du ciel[2].

Tourterelle. Si on porte le cœur de cet oiseau dans une peau de loup, il éteindra tous les sentiments. Si on pend ses pieds à un arbre, l’arbre ne portera jamais de fruit. Si on frotte de son sang, mêlé avec de l’eau dans laquelle on aura fait cuire une taupe, un endroit couvert de poils, tous les poils noirs tomberont[3].

Traditions populaires. « C’est sur la fatalité et l’antagonisme du bien et du mal, dit un habile écrivain, dans le Quarterly Magazine, que se fonde la philosophie des traditions du peuple. Cette base se retrouve dans le conte le plus trivial où l’on introduit un pouvoir surnaturel ; et la nourrice qui fait son récit au coin de la cheminée rustique a la même science que les hiérophantes de la Grèce et les mages de la Perse. Le principe destructeur étant le plus actif dans ce bas monde, il reparaît dans toutes les croyances superstitieuses sous une variété infinie de formes, les unes sombres, les autres brillantes ; on retrouve partout les mêmes personnifications d’Oromase et d’Arimane et l’hérésie des manichéens. La vague crédulité du villageois ignorant s’accorde avec la science mythologique des anciens sages. Des peuples que l’Océan sépare sont rapprochés par leurs fables ; les hamadryades de la Grèce et les lutins de la Scandinavie dansent une ronde fraternelle avec les fantômes évoqués par le sorcier moderne ; celui-ci compose ses philtres, comme Canidie, avec la mandragore, la ciguë, les langues de vipères et les autres ingrédients décrits par Virgile et Horace. À la voix des sorciers modernes, comme à celle des magiciens de Thessalie, on entend encore le hibou crier, le corbeau croasser, le serpent siffler, et les ailes noires des scarabées s’agiter. Toutefois, le Satan des légendes n’est jamais revêtu de la sombre dignité de l’ange déchu ; c’est le diable, l’ennemi, méchant par essence, de temps immémorial. Sa rage est souvent impuissante, à moins qu’il n’ait recours à la ruse : il inspire la peur encore plus que la crainte. De là vient cette continuelle succession de caprices bizarres et de malices grotesques qui le caractérise ; de là cette familiarité qui diminue la terreur causée par son nom. Les mêmes éléments entrent dans la composition de toutes les combinaisons variées du mauvais principe qui engendra la race nombreuse des lutins sortis de l’enfer. Si le rire n’est pas toujours méchant et perfide, il exprime, assez bien du moins, la malice et la perfidie. C’est de l’alliance du rire et de la malice que sont nés tous ces moqueurs placés par les mythologues au rang des divinités. Tels sont le Momus des Grecs et le Loki des Scan-

  1. Epitome delictorum, sive de Magia, in qua aperta vel occulta invocatio dæmonis intervenit, etc., editio novissima. Lugduni, 1679, in-4o.
  2. Victor Hugo, Han d’Islande, ch. xii.
  3. Les admirables secrets d’Albert le Grand, p. 113.