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Page:Jacques Normand - Tablettes d un mobile, 1871.djvu/33

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Nous venons nous briser contre ce mur de feux ;
Et sept fois, décimés, de moins en moins nombreux,
Nous tentons vainement une charge nouvelle,
Par nos genoux meurtris nous rivant à la selle,
Labourant nos chevaux à grands coups d’éperons.
Il reste à peine encor le quart des escadrons ;
Le mien, s’il m’en souvient, ne comptait que vingt hommes
Le colonel nous dit : « Allons, enfants, nous sommes
Là pour mourir : sachons faire notre devoir.
En avant ! » C’est alors que vous auriez pu voir
L’ardent entraînement de la fougue française.
Nous nous lançons encore au sein de la fournaise,
Sûrs d’y trouver la mort en y cherchant l’honneur !

Jusqu’alors, je ne sais par quel rare bonheur
Je n’étais pas blessé ; cette lutte infernale
Devait bientôt finir, quand voici qu’une balle
Me traverse la gorge, une autre le genou.
Je tombe évanoui, sanglant, je ne sais où,
Et mon cheval s’abat en m’écrasant la cuisse.
Je veux me dégager, mais deux fois ma main glisse,