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Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/164

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wenn sie Gefahr im Anzuge vermutheten.) Plus loin, revenant sur la « fabrication de délégués » (Delegiertenmacherei), Becker raconte comment il avait échoué dans une première tentative auprès de la commission provisoire de vérification des mandats, à cause de l’opposition de Perret et de Duval, et comment il a été plus heureux auprès de la commission définitive, « où il a pu faire passer successivement douze délégués de sa fabrication, s’assurant ainsi une forte majorité ». Et il ajoute : « Si la chose n’avait pas réussi, nous aurions naturellement rendu la tenue du Congrès impossible par une retraite facile à motiver ; mais, étant donné l’importance qu’avait eue l’autre Congrès aux yeux de tout le monde, c’eût été pour nous une effroyable défaite morale et un triomphe pour les dissidents (was aber, angesichts des vorausgegangenen, soviel Aufsehen in aller Welt erregenden Kongresses, als eine schauderhaffe moralische Niederlage zum Triumph der Sonderbündler, für uns erschienen wäre). »

Enfin Engels écrit à Sorge le 25 novembre : « J’étais à Ramsgate lorsque Marx m’a écrit pour m’annoncer la trahison des Genevois, qui nous obligeait à décider que Serraillier ne se rendrait pas au Congrès. J’acquiesçai à l’avis de Marx, à la condition que Serraillier vous écrirait tout de suite. C’eût été une véritable folie que d’envoyer Serraillier vous représenter à Genève ; son abstention et la nôtre, ainsi que celle de tous les Allemands sauf un seul [Motteler], ont donné au Congrès le caractère d’une simple réunion locale, qui, à l’encontre des alliancistes, était encore suffisamment présentable, tandis que pour les internationaux elle ne peut avoir aucune autorité morale. »

Après avoir lu ce qui précède, que dira-t-on de la façon dont parle de ce grotesque Congrès un prétendu « historien » de l’Internationale, qui a écrit : « Une semaine après les sécessionnistes, la vieille Internationale tint également à Genève son Congrès annuel. Là, toutes les délibérations portèrent l’empreinte de la vaillance et de l’assurance en l’avenir. Le rapport du Conseil général parla le fier langage accoutumé. D’Allemagne, d’Autriche, de Suisse, de Hollande, de France, partout il y avait à signaler des succès et des progrès. C’étaient les pays les plus avancés qui étaient restés fidèles à l’Internationale, les pays dans lesquels le mouvement ouvrier se fortifiait d’année en année et devenait une puissance politique ; tandis que les organisations sécessionnistes, dans les pays latins, suivaient la bannière de l’abstention politique et se condamnaient par là elles-mêmes à l’impuissance[1]. »

Voilà comment les scribes du parti de la démocratie socialiste d’Allemagne falsifient l’histoire, avec une mauvaise foi qui n’est dépassée que par leur prodigieuse ignorance.

Je me reprocherais d’omettre un fait non moins édifiant qu’instructif, qui constitue l’épilogue du Congrès de MM. Becker et Sorge.

On lit dans notre Bulletin, numéro du 21 septembre 1873 :


Terzaghi, cet agent provocateur que le Congrès international a refusé d’admettre dans son sein, annonce dans son journal, la Discussione, qu’il passe dans le camp de Marx avec armes et bagages. À la bonne heure !


Le mouchard démasqué par nous avait été, en effet, accueilli par les marxistes à bras ouverts, et Becker écrivit à Sorge (25 novembre):« Entrez donc au plus vite en relations avec C. Terzaghi, rédacteur du Proletario[2] de Turin, car j’ai des raisons de croire qu’on peut faire quelque chose en Italie avec ce garçon. (Tretet doch ungesdumt mit C. Terzaghi, Redakteur vom Proletario in Turin, in Verbindung, denn ich habe Ursache zu glauben, dass mit dem Burschen etwas zu machen ist für Italien.) »

Pour n’y plus revenir, je dirai brièvement ici ce que devinrent les débris

  1. Jaeckh, Die Internationale, p. 213.
  2. Le Proletario était le titre du premier journal de Terzaghi. Becker, insuffisamment renseigné, ignorait que ce journal policier avait changé de nom et s’appelait, depuis quelques mois, la Discussione.