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Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/184

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de M. Castelar sera définitivement paralysé : il faudra ou bien qu’il baisse pavillon devant l’irrésistible soulèvement populaire, ou bien qu’il entre en négociations avec lui ; et, dans les deux cas, l’occasion qui s’était offerte cet été au prolétariat espagnol se présentera de nouveau. Tout dépend de ceci : les protégés et les amis de la police de Berlin[1] seront-ils encore assez forts en Espagne pour sauver le gouvernement, oui ou non ? »

Cela se passe de commentaire, n’est-ce pas ?


Un mois plus tard, le Bulletin publiait les réflexions suivantes à propos d’un décret rendu par la junte révolutionnaire de Carthagène le 1er novembre, décret qui confisquait et déclarait propriété collective du canton les biens-fonds provenant d’une donation royale, ainsi que ceux qui avaient été acquis à moins du tiers de leur valeur lors de la vente des propriétés ecclésiastiques :


Ce décret, rendu in extremis par les intransigeants, a d’abord le tort de n’être qu’une demi-mesure : il ne vise que les biens nobiliaires et ecclésiastiques, et ne dit mot des fortunes acquises aux dépens du salaire des travailleurs. Il ne pourra donc, comme toutes les demi-mesures, produire aucun résultat efficace. Si l’on avait voulu faire quelque chose de sérieux, il fallait, lorsque l’Andalousie et la province de Valencia étaient soulevées, donner la main aux ouvriers, accepter leur programme, et confisquer, non par voie de décret, mais par des faits, le sol et les instruments de travail au profit de la collectivité. Au lieu de cela, les intransigeants ont tenu à bien séparer leur cause de celle des internationaux, qu’ils ont, eux aussi, traités de pillards et d’assassins. Si leur mouvement est condamné à avorter misérablement, c’est par leur faute, c’est parce qu’ils ont trahi la cause du peuple ; nous ne pouvons pas les plaindre.


La lutte continuait en Espagne sur le terrain économique : des grèves nombreuses avaient lieu, entre autres en Catalogne ; l’organisation des fédérations de métiers se faisait plus complète et plus solide (3e congrès de la fédération des cordonniers, du 1er au 6 novembre, à Barcelone, etc.) ; une circulaire du Conseil de la fédération des ouvriers constructeurs d’édifices (résidant à ce moment à Palma de Majorque) disait : « Le gouvernement peut nous emprisonner ou nous fusiller, mais, dans le premier cas, nous ne cesserons pas de prêcher à tous les ouvriers la nécessité de s’émanciper par eux-mêmes, conformément aux aspirations de l’Internationale ; et, dans le second, nous savons que le sang des martyrs ne peut que contribuer au triomphe de la révolution sociale » (Bulletin du 14 décembre 1873).


Pendant le trimestre qui suivit le Congrès de Genève, nous n’eûmes que peu de nouvelles de ce qui se passait en Italie : Cafiero était à Locaruo avec Bakounine, tout occupé de la Baronata, où se trouvaient aussi à ce moment Fanelli et Costa (je parlerai de la Baronata dans le chapitre suivant) ; Malatesta et plusieurs autres étaient en prison. Je ne trouve guère dans le Bulletin que la mention de la préparation d’un congrès des Sections de la Toscane, qui eut lieu à Pise, le 7 décembre ; des indications sur les progrès de l’Internationale dans les Marches et l’Ombrie ; la nouvelle de poursuites intentées à Grassi, Natta et divers autres ouvriers florentins, signataires d’une protestation contre le mouchard Terzaghi. Le nombre des journaux socialistes allait en augmentant : à la Plebe de Lodi, à la Favilla de Mantoue, au Risveglio de Sienne, s’étaient ajoutés le Capestro de Fermo, le Comunardo de Fano, la

  1. Cette aimable désignation s’applique aux internationaux espagnols, ennemis des intransigeants. (Note du Bulletin.)