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Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/189

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qui ne valent rien, qu’il faut en nommer d’autres ; ils ne comprennent pas que c’est la société entière qu’il faut réformer, et non les hommes qu’il faut changer, puisque ceux-ci se pourrissent tous au pouvoir ; tant d’expériences faites depuis des siècles ne leur ont servi de rien... Une grande misère commence à régner ici dans la classe ouvrière, et c’est par milliers que l’on compte les ouvriers sans occupation. À New York, les ateliers de monteurs de boîtes sont complètement fermés ; ici, nous avons un peu plus de chance : nous travaillons trois jours par semaine depuis deux mois, jusqu’à nouvel ordre. Sur l’activité de l’Internationale dans notre ville, j’ai peu de chose à vous dire ; il n’y a plus d’organe, à ce que je crois, qui représente les principes de l’Internationale en Amérique ; c’est un calme plat complet ; il semble que la crise qui sévit depuis quelque temps a abattu les classes ouvrières au lieu de les relever pour éviter ces crises à l’avenir[1]. »

À New York, le Comité fédéral de Spring Street, allié à quelques chefs des associations ouvrières américaines, et à quelques socialistes allemands qui s’étaient séparés de Sorge (Conrad Carl, F. Bolte, etc., membres de la Section 1), convoqua pour le 12 décembre un grand meeting, auquel assistèrent quatre mille personnes, ouvriers et ouvrières. Parmi les inscriptions placées sur l’estrade, on remarquait entre autres celles-ci : « Quand les ouvriers commencent à penser, le monopole commence à trembler. — Le général qui commande cette armée s’appelle le général Misère. — Nous combattons les choses, non les hommes » ; au-dessus de la tête des orateurs se balançait un drapeau avec ces mots : « Nous nous occupons d’affaires sérieuses ; prière aux politiciens de rester dehors ». La présidence du meeting fut donnée au peintre en bâtiments T. H. Banks, membre du Conseil fédéral de Spring Street. Une Adresse au peuple des États-Unis, expliquant les motifs de cette grande manifestation du peuple de New York, fut lue et adoptée ; puis le meeting vota des résolutions dont voici les principales : « Les assistants à ce meeting déclarent : Que, dans ce temps de crise, nous sommes résolus à procurer à nous et à nos familles le logement et la nourriture, et que nous enverrons les comptes de nos fournisseurs à la caisse de la ville pour y être payés, jusqu’à ce que nous ayons obtenu du travail ou le paiement de notre travail ; que nous demandons que la journée de huit heures devienne la journée légale dans tous les contrats tant privés que publics ; que nous établirons un Comité de salut (Committee of safety), dont le devoir sera de veiller aux intérêts du peuple et de les faire triompher ». Le Committee of safety fut composé de quarante-huit membres, élus séance tenante par le meeting : parmi eux se trouvaient des membres du Comité fédéral de Spring Street, comme Banks, B. Hubert, John Elliot, et, d’autre part, des membres de la Section 1, Carl et Bolte. Je parlerai plus loin (p. 174) de la suite de ce mouvement.


Quelques mots, maintenant, de la Fédération jurassienne. Pour commencer, je reproduis des passages d’un article (Bulletin du 21 septembre 1873) dans lequel, à l’occasion d’une proposition, faite par le parti conservateur, de revision partielle de la constitution du canton de Neuchâtel, j’exposais une fois de plus notre manière de voir en matière de réformes opérées par la voie législative. Les deux points sur lesquels devaient porter la revision étaient l’organisation des cultes (les conservateurs demandaient la séparation de l’Église et de l’État, qui devait favoriser les intérêts de leur Église spéciale, nommée « Église indépendante ») et l’extension des droits du peuple (par l’introduction du referendum, c’est-à-dire de l’obligation de soumettre les lois à la sanction du suffrage universel, chaque fois qu’un nombre déterminé de citoyens le demanderait). L’article disait, en ce qui concerne les cultes :


Le peuple était appelé à se prononcer, par oui ou par non, sur la proposition des conservateurs. Que pouvaient faire les socialistes dans cette cir-

  1. Lettre publiée dans le Bulletin du 11 janvier 1874.