Aller au contenu

Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/195

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Une preuve palpable que l’organisation espagnole restait bien vivante, c’est, entre autres, une lettre (n° 2382) adressée par la Commission fédérale espagnole au Comité fédéral jurassien, à la date du 29 mars, pour lui parler d’une grève des mariniers et des tonneliers de Tarragone ; la Commission écrivait : « Les bourgeois de Tarragone ont dit qu’ils feraient venir des ouvriers tonneliers du Midi de la France et du Portugal pour prendre la place des grévistes. Afin d’empêcher la réalisation de ce projet, nous avons écrit au Conseil fédéral portugais... Comme nous n’avons pas l’adresse des sections du Midi de la France, nous vous écrivons la présente afin que vous fassiez connaître aux travailleurs français, par les moyens que vous jugerez les plus opportuns, la situation des grévistes de Tarragone, et que vous les préveniez de ne pas se laisser surprendre par les agents de nos exploiteurs. » À cette lettre était joint un exemplaire d’un Manifeste de la Commission fédérale à tous les ouvriers d’Espagne ; ce Manifeste, qui fut tiré à dix-sept mille exemplaires, leur disait : « Toutes les tromperies, toutes les trahisons dont vous avez été les victimes, vous auriez pu les prévenir et les éviter si, au lieu d’employer vos efforts à changer les formes de l’autorité, vous eussiez tendu à la destruction complète du principe d’autorité dans toutes ses manifestations... Il y a nécessité impérieuse de prendre entre vos mains la gestion directe de vos affaires et de vos intérêts, que jusqu’ici, nous l’avons constaté avec douleur, vous avez préféré remettre à vos faux amis, à vos ennemis naturels et nécessaires, c’est-à-dire à des hommes qui, n’ayant pas les mêmes intérêts que vous et appartenant à la classe ennemie de notre émancipation, ne pouvaient faire que vous exploiter et vous tromper... Que notre constante préoccupation soit la séparation absolue des exploiteurs et des exploités ; qu’il n’y ait plus parmi nous ni républicains bénévoles, ni républicains intransigeants, plus d’unitaires, de démocrates ou de monarchistes ; pour nous, il ne doit exister que deux partis : celui de la révolution et celui de la réaction... Si l’on fait appel à vous pour des élections, tournez le dos et venez à l’Association. Si on essaie de vous embrigader, sous prétexte de conspirations politiques, pour vous faire servir d’instruments dociles aux ambitions bourgeoises, tournez le dos et venez à l’Association... Vive l’Association internationale des travailleurs ! » (Bulletin des 5 et 12 avril.)


Andrea Costa fit parvenir encore à notre Bulletin, en janvier 1874, deux correspondances (écrites à la Baronata) datées de Bologne ; il y passait en revue la situation de l’Internationale dans les diverses régions de l’Italie, en Romagne, dans les Marches et l’Ombrie, en Toscane, en Sicile, dans le Napolitain. L’organisation publique de l’Internationale, qui faisait des progrès continus, s’était doublée en Italie d’une organisation secrète, dont l’agent exécutif fut un « Comité italien pour la Révolution sociale «. Ce Comité publia un Bollettino, dont la rédaction fut confiée à Costa, et qui, imprimé clandestinement, était distribué aux affiliés : le premier numéro parut en janvier 1874, le second en mars[1]. Au printemps de 1874, la situation devenant, en Italie, de plus en plus révolutionnaire, par suite de la misère croissante et des mouvements populaires qu’elle suscitait, Costa repassa la frontière et se rendit en Romagne, où il se tint caché, pour être plus à portée de correspondre avec les divers groupes révolutionnaires de la région ; de son côté, Malatesta, remis en liberté en janvier, commença dans le midi de la péninsule, avec quelques amis, un sérieux travail d’organisation.

Le n° 1 du Bollettino del Comitato italiano per la Rivoluzione sociale disait : « La propagande pacifique des idées révolutionnaires a fait son temps ; elle doit être remplacée par une propagande retentissante (clamorosa), solennelle, de l’insurrection et des barricades ». Dans le n° 2, on lisait : « Le peuple est las de paroles, il est temps d’en venir à la lutte. Loin de nous les maîtres, les docteurs, les avocats, les présidents, les consuls, les dictateurs ; nous ne som-

  1. On trouve dans Nettlau (biographie de Bakounine) le texte complet du premier numéro (p. 797), et des extraits du n° 2 (p. 798.)