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Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/216

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démission. « Il se trouvera des simples d’esprit pour se féliciter de ce résultat, en s’écriant que c’est un pas de plus vers l’affermissement de la République. Il n’y a de vraie République possible que sur cette double base : l’émancipation des travailleurs, mis en possession de la terre et des instruments de travail, et la libre fédération des Communes autonomes. Le seul moyen de constituer cette République, c’est une révolution. » (Bulletin du 24 mai 1874.)

En juin, un groupe de blanquistes réfugiés à Londres publia un manifeste renfermant le programme du parti. Les blanquistes se déclaraient athées, communistes, révolutionnaires. Le Bulletin marqua en ces termes les différences qui lui paraissaient séparer la doctrine blanquiste des idées de l’Internationale :


Les blanquistes se déclarent athées. Nous sommes athées aussi. Ils disent de la religion : « Il faut nier cette erreur génératrice de toutes les autres, car c’est par elle que depuis des siècles l’homme est courbé, enchaîné, spolié, martyrisé ». Ce point de vue peut se résumer ainsi : « La religion est la source de la misère : il faut donc détruire la religion, après quoi l’émancipation du travail deviendra possible ». Les blanquistes, comme on dit, mettent la charrue devant les bœufs... Il serait plus juste de dire : « La misère est la mère des superstitions religieuses ; il faut donc émanciper le travail, après quoi la destruction de la religion deviendra possible ».

Nous sommes communistes, disent les blanquistes. Ce mot ne nous effraie pas le moins du monde ; ce qui nous importe, c’est de considérer le sens qu’on y attache... Ce que les blanquistes appellent communisme, et ce que l’Internationale appelle collectivisme, ne sont qu’une seule et même chose. Le mot cependant nous paraît nécessiter un éclaircissement. Le manifeste dit : « Nous voulons que la terre, que les richesses naturelles appartiennent à la communauté ». Les blanquistes, nous en avons peur, ont voulu dire par là : « Il faut que la propriété appartienne à l’État ». Pour que la définition répondît à notre manière de voir, il aurait fallu parler ainsi : « Nous voulons que la terre, que les richesses naturelles appartiennent aux travailleurs associés ». Alors le programme communiste se trouverait ramené, sur tous les points, au programme que nous avons l’habitude de désigner par le nom de collectiviste ou communiste non-autoritaire.

Il nous reste à voir comment les blanquistes veulent être révolutionnaires... « Dans une période révolutionnaire, disent-ils, la dictature du prolétariat devra être établie... » Nous aussi, nous voulons la dictature du prolétariat pendant la période révolutionnaire. Mais la dictature que nous voulons, c’est celle que les masses insurgées exercent directement, sans l’intermédiaire d’aucun comité ni gouvernement. Nous ne voulons pas remettre la responsabilité de la Révolution entre les mains de quelques hommes, chargés de rendre des décrets que le peuple exécutera. Au lieu de ce système classique, qui aboutit à replacer le peuple sous un nouveau despotisme, notre vœu est de voir les masses insurgées agir par leur propre initiative, et substituer le fait révolutionnaire, expression directe de la volonté du peuple, au décret révolutionnaire émanant d’une autorité chargée de gouverner la Révolution. Les blanquistes, tout au contraire, lorsqu’ils parlent de la dictature du prolétariat, entendent tout simplement la dictature d’un comité de salut public, entre les mains duquel la Révolution aura abdiqué. Si nous leur faisons tort en cela, et qu’ils soient revenus de leurs anciennes erreurs sur ce point, nous serons charmés de