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Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/233

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après qu’il aurait vu Cafiero ; le journal dit : « Du 14 au 21 attendons vainement Cafiero ; nous entendons sur toutes choses, Natta et moi ; plan d’action complet, chiffre et signes établis ». Enfin, le 21, Ross vint de Locarno à Splügen[1], et expliqua que, d’après les nouvelles reçues par Cafiero, il n’y avait plus rien à faire en Italie. Natta partit alors, pour retourner en Italie en passant par Locarno, où Ross le suivit le lendemain ; Bakounine resta à Splügen, attendant Bellerio et Mme Lossowska, de qui il venait de recevoir un télégramme. (Pour la suite, voir p. 209.)

Dans la Pouille, une tentative avait été faite, presque en même temps que celle de Bologne, par Malatesta et quelques camarades. Une caisse de fusils avait été expédiée de Tarente à une gare de la province de Bari dont j’ignore le nom, et de là elle fut transportée sur une charrette au vieux château de Castel del Monte (à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Barletta), où avait été fixé le rendez-vous. « Plusieurs centaines de conjurés — raconte Malatesta — avaient promis de se trouver à Castel del Monte. J’y arrive : mais là, de tous ceux qui avaient juré d’y être, nous nous trouvâmes six. Peu importe, on ouvre la caisse d’armes : elle est pleine de vieux fusils à piston ; cela ne fait rien, nous nous armons et déclarons la guerre à l’armée italienne. Nous battons la campagne pendant quelques jours, cherchant à entraîner les paysans, mais sans trouver d’écho. Le second jour, nous avons une rencontre avec huit carabinieri, qui firent feu sur nous et s’imaginèrent que nous étions très nombreux. Trois jours plus tard, nous nous apercevons que nous sommes cernés par les soldats ; il ne restait qu’une chose à faire : nous enterrons les fusils, et nous décidons de nous disperser ; je me cache dans une voiture de foin, et je réussis ainsi à sortir de la zone périlleuse. » De Castel del Monte, Malatesta se rendit à Naples ; il voulut ensuite gagner la Suisse ; mais il fut arrêté à la gare de Pesaro.

Un quatrième bulletin du Comitato italiano per la Rivoluzione sociale fut encore imprimé, et put être répandu dans un certain nombre de villes d’Italie ; il est daté de « Bruxelles, août 1874 » ; la mention qui y est faite des événements de Bologne indique qu’il dut être rédigé entre le 10 et le 15 août (probablement par Cafiero). En voici le passage principal: « L’Italie des prolétaires, la patrie traditionnelle des communes, celle qui jadis proclama les lois agraires, s’éveille enfin de sa longue léthargie et s’apprête à combattre la tyrannie étrangère. L’Etna bouillonne, le Vésuve pousse de sourds mugissements, le petit Arno lui-même s’agite comme s’il avait recueilli en son sein les tempêtes de l’Océan. Mais à l’incendie il manquait l’étincelle : la Romagne l’a fournie. Salut donc, ô généreux jeunes gens de Castel San Pietro[2] ! par votre œuvre l’incendie a commencé, et à sa flamme prendront feu les nations sœurs, sans qu’aucune force humaine, de caste ou de gouvernement, ni les Alpes, ni la mer, puissent y mettre obstacle. » Cet appel, naturellement, ne pouvait plus trouver d’écho.

Je reproduis les notices et les appréciations que le Bulletin publia, sur le mouvement italien, dans ses numéros des 10 et 23 août ; on verra quelle idée nous nous en faisions :


Les journaux bourgeois annoncent depuis quelques jours de nombreuses arrestations faites parmi les membres de l’Internationale italienne, à Bologne, à Florence, à Rome, et dans quelques autres localités. Ils rattachent ces arrestations à une tentative insurrectionnelle qui aurait eu lieu

  1. J’ai interrogé Ross, en 1907, au sujet des raisons qui avaient retardé sa venue à Splügen jusqu’au 21 ; il m’a répondu qu’après trente-trois ans il ne pouvait se remémorer exactement ces détails. Il faut noter que Bakounine ne s’était pas adressé directement à Cafiero ni à Ross, et que ce fut seulement par l’intermédiaire de Zaytsef ou de Bellerio que la nouvelle de son arrivée à Splügen put leur parvenir.
  2. Il s’agit de la troupe des insurgés d’Imola, dont une cinquautaine avaient été arrêtés près de la station de Castel San Pietro.