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Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/250

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savoir le manque de direction générale, et, dans l’état actuel d’ignorance, la possibilité pour les ambitieux de s’emparer de la direction du mouvement et de le faire dévier.

« Eccarius. Les ouvriers procèdent beaucoup plus pratiquement. Ils ne se partagent pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué. Avant de parler de révolution sociale, il faut d’abord réduire les heures de travail, de manière à ce que les ouvriers puissent s’instruire et comprendre les questions sociales. Quant à l’an-archie, elle nous ramènerait au moyen âge, où les corporations se battaient entre elles.

« Coenen déclare se rallier d’une façon générale aux idées émises dans le rapport de Bruxelles.

« Gomez [Farga]. Les internationaux espagnols se sont depuis longtemps et généralement prononcés pour l’anarchie, de sorte qu’ils seront opposés à toute réorganisation des services publics aboutissant à la reconstitution de l’État. Le rapport de la fédération bruxelloise nous ramène à l’État, et, quelles que soient les restrictions que veulent faire les auteurs du rapport, la logique des choses conduira l’État ouvrier à être un État autoritaire tout comme le sont les États actuels. Si ce n’est réellement qu’une question de mots, c’est-à-dire si l’on veut, en fait, la Fédération des communes, il faut se servir de ce terme pour désigner la chose, et laisser de côté le mot État, qui représente l’idée politique, autoritaire et gouvernementale.

« Le président annonce ensuite que le Congrès a résolu, en séance administrative, de remettre la question des services publics en discussion dans les fédérations et sections, et de la reprendre au prochain Congrès général. »


Restait à discuter la question de l’action politique.

« La question de l’action politique — dit Schwitzguébel dans sa dernière lettre — fut traitée d’abord en séances privées, le mercredi après-midi et le vendredi après-midi, et ensuite en séance publique le samedi soir 12 septembre.

« Nous résumerons l’opinion des membres du Congrès qui ont pris la parole sur cette question.

« Tout d’abord disons que tous furent d’accord pour reconnaître que l’on ne pouvait imposer une ligne de conduite politique uniforme à toute l’Internationale ; que chaque pays, suivant sa situation particulière, devait adopter et suivre telle ligne de conduite qu’il jugeait la plus utile. Il y a loin de ces dispositions à celles qui inspiraient la majorité du Congrès de la Haye ; et cependant, à Bruxelles, Eccarius et les deux délégués allemands sont de fervents partisans de la conquête du pouvoir politique dans l’État par les classes ouvrières, et le délégué espagnol, le délégué jurassien, les délégués belges, sont de non moins ardents partisans de l’abstention de la politique parlementaire et gouvernementale.

« Frohme et Faust développent le point de vue auquel se placent les socialistes allemands dans la question politique. Pour combattre l’État allemand, fortement centralisé, il faut une organisation également centralisée. Laisser la bourgeoisie dominer complètement l’État, ce serait le suicide du parti ouvrier socialiste ; celui-ci doit disputer à la bourgeoisie le pouvoir politique, et, lorsqu’il l’aura conquis, transformer l’État bourgeois en État socialiste. Les socialistes allemands ne se bercent pas de l’illusion d’y arriver pacifiquement : ils savent parfaitement bien que ce n’est que par la violence qu’ils atteindront ce but, et du reste le gouvernement donne lui-même l’exemple des actes de violence en persécutant le parti socialiste. Mais l’action politique légale et parlementaire leur sert de moyen d’agitation et de garantie de sécurité. Si lorsque, devant les tribunaux, on incrimine leurs écrits et leurs paroles réclamant la propriété collective, ils disaient nettement que c’est par la violence qu’ils veulent la réaliser, ils tomberaient sous le coup du code pénal ; mais, en disant que c’est par les voies légales, ils peuvent continuer à agir et à propager leurs principes. Quant à la valeur de ce moyen d’action au point de vue de la propagande, il n’y a, pour en juger, qu’à se