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Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/275

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seule et même question ouvrière, qui a pour raison d’être la lutte contre la production capitaliste moderne et pour la suppression de l’exploitation, et qui reconnaît par conséquent la légitimité de l’idée internationale. »

Le Bulletin reproduisit ces lignes (29 novembre), en ajoutant :


On ne peut pas mieux dire. Malheureusement M. Bleuler-Hausheer ne reste pas longtemps conséquent avec lui-même. Après avoir déclaré que la question ouvrière est une question non pas nationale, mais internationale, il énumère un certain nombre de points qui lui paraissent ceux sur lesquels devrait s’exercer l’action de la Société du Grütli, pour obtenir des réformes nationales, au moyen de la législation tant cantonale que fédérale. [Suit la liste de ces points : Lois ouvrières introduisant la journée de dix heures, interdisant le travail des enfants au-dessous de quinze ans dans les fabriques ; établissement de conseils de prudhommes ; instruction gratuite à tous les degrés ; impôt progressif, impôt sur les successions ; rachat des chemins de fer par l’État ; fondation de coopérations de production ; fondation de bureaux de renseignements et de placement, etc.]

Si nous voulions juger de l’importance du mouvement socialiste dans le Grütli par le programme de M. Bleuler, il faudrait déclarer dès maintenant que ce mouvement n’est pas sérieux, et qu’il n’y a aucune différence entre ce socialisme et celui que prêchent, dans tous les pays de l’Europe, certains agents de la bourgeoisie qui cherchent à endormir le peuple par des paroles creuses. Heureusement que les choses ne sont pas tout à fait ainsi. Il y a, dans cette fraction du Grütli qui incline au socialisme, deux éléments bien différents : le petit groupe des hommes politiques bourgeois qui veulent utiliser ce mouvement au profit de certaines combinaisons,... et le grand nombre des ouvriers qui, restant étrangers à ces desseins politiques, aspirent à une amélioration réelle de leur sort, et qui seraient très disposés à se prononcer en faveur des solutions vraiment socialistes, s’il se trouvait quelqu’un pour les leur expliquer. Le programme de M. Bleuler ne représente donc nullement la vraie pensée des ouvriers socialistes du Grütli. Ceux-ci ont des aspirations beaucoup plus avancées, par la simple raison qu’ils sont ouvriers et que M. Bleuler est conseiller national ; seulement ils ne savent pas encore bien clairement ce qu’ils veulent...

M. Bleuler termine son article par une phrase destinée à rassurer les timides : « En aucun cas, la Société du Grütli ne se laissera entraîner à une action qui soit de nature à ébranler l’existence politique de la Confédération suisse, ou à pousser le mouvement ouvrier dans la voie de la violence révolutionnaire ».

Grâce à cette déclaration, on se met en règle avec la légalité et les autorités constituées, et on se sépare catégoriquement des socialistes révolutionnaires. Mais qu’on nous permette à ce sujet une petite observation.

Il semblerait vraiment, à entendre la façon dont certaines gens s’expriment sur le compte des socialistes révolutionnaires, qu’entre une multitude de moyens, tous également bons et également pratiques, pour arriver à l’émancipation du travail, nous ayons, de gaîté de cœur et uniquement par férocité naturelle, choisi le plus sanguinaire.

Cette manière de présenter les choses est calomnieuse et absurde.