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Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/333

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Les élections au Conseil national suisse devaient avoir lieu le 31 octobre 1875, et l’Arbeiterbund avait chaleureusement engagé les ouvriers suisses à faire tous leurs efforts pour assurer le triomphe de candidats disposés à élaborer une bonne loi sur les fabriques. Dans son numéro du 3 octobre 1875, le Bulletin exposa en ces termes notre point de vue :


Pour nous, notre ligne de conduite est bien plus simple et plus réellement pratique. Nous n’attendons rien des prétendues réformes que daignerait nous octroyer une assemblée législative bourgeoise ; nous attendons tout du mouvement révolutionnaire qui, dans un avenir plus ou moins prochain, soulèvera l’Europe et balaiera ses vieilles institutions. Nous ne pensons pas toutefois, comme nous le font dire ceux qui diffèrent d’opinion avec nous sur ce sujet, que les révolutions s’improvisent ; nous savons qu’elles veulent être préparées, et qu’il faut que le peuple soit disposé à les comprendre et à les accepter. Mais c’est justement parce que nous voulons préparer la révolution que, dès à présent, nous cherchons à éclairer le peuple sur le vide et le charlatanisme des institutions parlementaires, et que nous disons aux ouvriers : « Groupez-vous pour devenir une force. Ne formez pas des associations destinées à faire de la politique électorale ; elles ne peuvent servir qu’à élever au pouvoir quelques ambitieux. Formez des sociétés de métier, des sociétés de résistance, associez ensemble vos intérêts de travailleurs ; en vous organisant ainsi pour la lutte économique, vous créerez l’armée de la future Révolution. »


Le 24 octobre, le Bulletin expliqua une fois de plus pourquoi l’Internationale n’avait pas de candidats : « Personne n’est assez insensé pour se figurer que l’Assemblée législative de la Suisse aurait le pouvoir de transformer la société bourgeoise en une société égalitaire » ; mais beaucoup d’ouvriers très sérieux croient que s’ils avaient des représentants au parlement, ces députés pourraient faire de la propagande et contribuer à répandre dans le peuple les bons principes. « Si nous pensions », répondait à cela le Bulletin, « que la présence d’un socialiste dans un Conseil délibérant eût quelque utilité pour la propagande, nous n’hésiterions pas à faire tous nos efforts pour arriver à faire élire quelques candidats ouvriers. » Seulement, ce mode de propagande est impossible, ou bien il serait illusoire et inefficace, du moins en Suisse : « La propagande se fait d’une manière infiniment plus fructueuse au moyen de la presse, des conférences, des brochures, des assemblées populaires, des congrès, des réunions de sociétés, etc., et c’est à ce moyen-là que nous voulons continuer à consacrer tous nos efforts ».

Après cet exposé de notre tactique, le Bulletin ajoutait :


Du reste, l’opinion que nous venons d’exprimer au sujet des candidatures socialistes n’est pas un article de foi. Nous admettons parfaitement bien qu’un socialiste puisse penser autrement que nous à cet égard. Ceux des ouvriers qui ont encore envie d’aller voter, et qui, malgré nos arguments, croient bien faire en agissant ainsi, peuvent suivre la ligne de conduite qu’ils jugent la meilleure, sans que nous songions à les en blâmer. Les socialistes d’Allemagne, par exemple, utilisent les élections comme moyen d’agitation ; ils ont réussi à élire au Reichstag cinq ou six des leurs, et ceux-ci, grâce à la situation politique de l’Allemagne, qui est bien différente de celle de Suisse française, peuvent profiter des débats du Reichstag pour remuer profondément l’opinion populaire. Les socialistes allemands ont raison de faire ce qu’ils font, tant que la situation politique de l’Allemagne sera ce