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Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/380

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dicts de Trani, de Florence et de Livourne, fit présager pour le procès de Bologne une issue identique.

À la fin de mars, une crise ministérielle avait amené au pouvoir la gauche modérée, avec Nicotera. « Les choses en étaient venues à un point tel — nous écrivit Cafiero le 2 avril (Bulletin du 9 avril) — qu’on ne pouvait plus éviter cette crise. Dans le silence sépulcral, dans la paralysie produite par une répression insensée, la monarchie et le gouvernement étaient menacés d’asphyxie : il fallait de l’air et du mouvement ; la mission de la gauche sera d’en donner, et de rendre la vie au cadavre de l’État. Y réussira-t-elle ? Ni plus ni moins que les saints et les charlatans, invoqués pour sauver un malade abandonné par les médecins. »


Le Bulletin du 26 mars contient ce qui suit :

« Nous avons reçu deux imprimés qui prouvent qu’en Espagne aussi on a commémoré l’anniversaire du 18 mars : l’un d’eux est un numéro du journal clandestin el Orden (l’Ordre), consacré tout entier à la Commune ; l’autre, une feuille volante, contenant un exposé de principes analogue à celui que renferme la lettre d’Espagne lue à la réunion de Lausanne.[1]

« L’Internationale espagnole n’est pas morte. »


Dans les premiers jours d’avril, Charles Beslay, le doyen d’âge de la Commune de Paris, publia, sous la forme d’une lettre à M. Thiers, une adresse où il sommait l’ancien chef du gouvernement de Versailles de se prononcer au sujet de l’amnistie.

Un passage de cette lettre fut l’occasion d’un échange d’explications entre Beslay et Lefrançais au sujet de la Banque de France.

Lefrançais adressa au Bulletin, le 10 avril, une lettre où il disait : « Pour la troisième fois depuis cinq ans, notre ami Charles Beslay prend, à mon avis, trop au sérieux son rôle de prétendu sauveur de la Banque.

« On ne saurait trop le répéter : la Banque de France n’a point eu à être sauvée et n’a jamais couru le moindre danger. Ce qui prouve assez cette affirmation, c’est précisément le maintien du citoyen Ch. Beslay comme délégué de la Commune auprès de cette institution, alors qu’on connaissait parfaitement ses opinions conservatrices...

« S’il est honorable d’avoir maintenu intacte la Banque de France..., cet honneur revient, non au citoyen Ch. Beslay, qui n’est point fondé à le revendiquer, mais bien à la population révolutionnaire de Paris tout entière... Si au contraire, comme le pensent quelques-uns au nombre desquels je me compte, le respect exagéré et hors de saison que la Commune a professé à l’égard de la Banque de France au seul bénéfice des ennemis du prolétariat, n’a été qu’un acte de défaillance, il ne serait pas juste que le citoyen Ch. Beslay en fût seul rendu responsable, alors que cette défaillance est imputable à tous les membres de la Commune sans exception. »

Beslay répondit, dans le Bulletin des 23 et 30 avril, par une longue lettre adressée à la rédaction, où il disait : « Mon ami Lefrançais a raison quand il dit que je n’ai agi que conformément aux instructions de la Commune, et quand il revendique pour elle le mérite que je m’attribue... Mon livre Souvenirs insiste sur la particularité de ma délégation, que j’ai demandée et obtenue à la condition de remplir mon mandat sans aucune intervention armée, et j’établis sur ce point que j’ai toujours été d’accord avec le pouvoir exécutif de la Commune... Sur cette première question, nous sommes donc parfaitement d’accord. Mais l’erreur que commet mon contradicteur et que je ne puis admettre est celle qui consiste à dire que la Banque n’a jamais couru le moindre danger... Ce n’est pas la Commune qui était à craindre ; mais mon contradicteur sait, comme moi, que les chefs de bataillon, s’attribuant des missions dont la Commune ne les avait pas chargés, avaient le tort de faire dans les grandes administrations des perquisitions et

  1. Voir plus loin p. 8.