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Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/406

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chemin de fer de Manchester qui ont donné cet exemple impie. Ils éprouvent le besoin de resserrer et de renforcer leur union, afin de résister aux voleries, aux violations impunies de contrat, aux infamies de toute espèce dont ils sont les victimes. — Ah ! si l’État s’emparait des chemins de fer, dira quelqu’un, tout irait bien autrement ! Ce serait le paradis sur terre peint d’une façon si séduisante par votre correspondant J. B. C.[1], apôtre du fonctionnarisme. À preuve : le service des postes fait par l’État ; le pays se sent fier de cette splendide administration qui, malgré les abaissements continuels de tarif, fait encore des bénéfices ! — Oui, et son procédé est bien simple : elle a le moins possible de facteurs ; elle les paie de 25 à 30 shillings (de 31 fr. 25 à 37 fr. 50) par semaine ; elle supplée à leur insuffisance en prenant des auxiliaires qu’elle paie 5 fr. 00 par semaine pour faire la distribution du matin, ou 17 fr. 50 par semaine pour travailler toute la journée. Au moment où un homme a le bonheur inappréciable de devenir ainsi fonctionnaire de l’État, on lui fait signer un long imprimé qu’il ne lit souvent pas, et où l’on spécifie, entre autres choses, qu’il n’aura ni avancement ni pension. Ces renseignements nous sont fournis par un affreux ingrat, qui reçoit ainsi depuis vingt ans 17 fr. 50 par semaine de l’État administrateur des postes.

« Une des choses qui tendent à faire croire à un certain nombre d’ouvriers anglais que l’on peut tout obtenir de réformes graduelles et paisibles, c’est qu’il leur a été donné de rencontrer, parmi les milliers de farceurs qui vivent à leurs dépens de la fonction d’inspecteurs officiels de toute espèce, quelques demi-douzaines de braves gens qui ont pris leur fonction au sérieux, qui osent dire la vérité au public, et que pour le moment l’État n’ose pas renvoyer. Voici ce que publie l’un d’eux sur les habitations fournies par le très noble marquis de Cholmondeley à ses vassaux : « Cinq personnes couchent dans une petite chambre, sept dans une autre encore plus petite. Il pleut à travers toutes les toitures. Une fenêtre de chambre à coucher ne s’ouvre pas, et la ventilation n’est obtenue que par ce qui semble être les trous de rats dans les murs et les toits, etc. » Voilà qui est fait, les ouvriers anglais le savent, voire même, grâce au Bulletin, les ouvriers suisses. Le noble lord et les quelques milliers d’autres détenteurs du capital n’en continueront pas moins, avec bien d’autres méfaits, à loger leurs gens beaucoup plus mal que leurs chiens.

« Je voudrais pouvoir donner presque in-extenso les conférences du Dr Richardson sur les métiers insalubres. Je ne puis que citer une partie de sa conclusion, par laquelle l’on verra de reste qu’il n’est pas l’un des nôtres : « C’est un fait établi » — dit-il — « que toute la classe industrieuse de l’Angleterre, composée de cinq millions d’êtres humains, est profondément malade physiquement, et, par suite, mentalement. Elle vit comme si elle était constamment à l’hôpital, subissant divers traitements, mais manquant des conditions sans lesquelles, à moins d’un miracle, si même elle était un moment guérie, elle ne saurait continuer à jouir de la santé du corps et de l’esprit. Dans cet état, les ouvriers sont, comme sont toujours les malades, fantaisistes, déraisonnables, malheureux, insouciants, irrités en se comparant aux autres ; sans confiance dans leurs médecins politiques, trompés par des ignorants qu’ils suivent, trop souvent poussés par le désespoir et par leurs folles prétentions. »

« Cela n’est-il applicable qu’au prolétariat de l’Angleterre ? »


À Lausanne, il existait une section de la Société internationale des ouvriers tailleurs, société adhérente à L’Arbeiterbund. En mai 1876, les patrons tailleurs de Lausanne exigèrent de leurs ouvriers l’engagement de ne plus faire partie de la Société internationale des ouvriers tailleurs ; les ouvriers refusèrent : alors, le 6 juin, les patrons décidèrent de fermer leurs ateliers, et envoyèrent des émissaires à Lyon pour y embaucher des ouvriers français. Quelques tailleurs lyonnais, abusés par de faux rapports, vinrent travailler à Lausanne : sur quoi la Société des ouvriers tailleurs fit appel à Rodolphe Kahn,

  1. Voir ci-dessus, p. 24.