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Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/439

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VII


Du Congrès jurassien de la Chaux-de-Fonds au Congrès général de 1876.


En Espagne, les conférences comarcales qui devaient avoir lieu en juillet et août se réunirent ainsi qu’il avait été annoncé. Le Bulletin (10 septembre) dit à ce sujet : « Les conférences comarcales de l’Internationale espagnole ont eu lieu, et on a pu constater que l’organisation, que la persécution gouvernementale a contrainte à devenir secrète, a résisté victorieusement aux dures épreuves qu’elle a eu à traverser. Les conférences se sont occupées, entre autres choses, de la nomination de la nouvelle Commission fédérale espagnole et de la délégation à envoyer au Congrès général. » Et il ajoutait, un mois plus tard (15 octobre) : « Nous avons sous les yeux le compte-rendu imprimé (clandestinement, cela va sans dire) des conférences comarcales tenues cette année en Espagne. Nous voyons par ce compte-rendu que la Fédération régionale espagnole se compose en ce moment de cent douze fédérations locales, réparties en neuf fédérations comarcales. Chaque localité importante forme le centre d’un groupe (agrupacion) de sections, administré par une commission de groupe (comision de agrupacion) ; la réunion d’un certain nombre de groupes forme une comarque (comarca), administrée par une commission comarcale ; et l’ensemble de ces comarques forme la Fédération régionale, administrée par une Commission fédérale. Parmi les résolutions votées aux conférences comarcales, nous remarquons particulièrement les deux suivantes : « 1° Les conférences ont entendu avec satisfaction la lecture de la lettre du Comité fédéral jurassien[1], et déclarent que la Fédération espagnole, publique ou secrète, libre ou persécutée, travaillera toujours activement à l’émancipation du prolétariat ; 2° Les conférences ont appris avec un profond regret la mort de Michel Bakounine, et votent un souvenir à sa mémoire. »

Le Bulletin du 17 septembre donna de nouveaux détails sur les mauvais traitements infligés aux malheureux qui avaient été déportés sans jugement soit dans les bagnes d’Afrique (à Ceuta), soit dans les îles de l’Océanie (aux Philippines et aux Mariannes). « L’horrible situation où se trouvent ces pauvres gens ne peut être comparée qu’à celle que subissent en Nouvelle-Calédonie les martyrs de la Commune de Paris ; et de même qu’en France la voix populaire commence à s’élever pour flétrir les bourreaux versaillais, de même en Espagne, après deux ans d’un silence de mort, la conscience publique se réveille et réclame en faveur des victimes de l’atroce arbitraire du pouvoir. Un certain nombre de journaux espagnols ont accueilli des correspondances qui donnent des détails horribles sur la déportation. » Et notre organe traduisait deux articles extraits de la Gaceta de Barcelone et de l’Imparcial de Madrid.


L’Internationale avait été, en Portugal, fondée par l’initiative des ouvriers espagnols ; et si, lors des dissensions qui avaient suivi le Congrès de la Haye, les socialistes de Lisbonne s’étaient rangés du côté du Conseil général, ils n’avaient jamais rompu les liens de solidarité qui les unissaient à leurs frères d’Espagne. En 1876, au moment où allait se réunir de nouveau un Congrès général de l’Internationale, l’occasion parut propice à nos camarades espagnols pour faire une démarche amicale auprès des ouvriers portugais. « Le courant de rapprochement entre les socialistes appartenant à des nuances différentes — écrivait le Bulletin (1er octobre)[2] — se fait sentir aussi dans la presqu’île des

  1. Cette lettre, rédigée par Albigès (Albarracin), avait été adoptée par le Comité fédéral jurassien dans sa séance du 29 juin. (Procès-verbaux du Comité fédéral jurassien.)
  2. C’est dans ce même numéro du Bulletin que parut la lettre d’Alerini racontant le départ de Bakounine de Marseille pour Gênes en octobre 1870 (voir t. II, p. 133). Je la fis précéder de ces lignes : « Un ami français de Bakounine, qui depuis plusieurs années subit une dure captivité dans les cachots de la bourgeoisie [à Cadix], nous envoie du fond de sa prison les lignes suivantes, comme contribution à une biographie future du grand agitateur révolutionnaire. »