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Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/563

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dez-vous la taverne Jacobelli, à une portée de fusil de la bourgade. Cela donna l’éveil à la police. Le soir du 5, un détachement de carabiniers[1] rencontra, dans le voisinage de l’habitation des soi-disants Anglais, cinq individus qui voulurent s’éloigner lorsqu’ils aperçurent la force publique ; la patrouille les somma de faire halte ; ils répliquèrent par une décharge, qui blessa deux carabiniers.

« À ce moment, parait-il, la bande était en formation à quelque distance ; les cinq individus qui ont tiré sur les carabiniers étaient venus s’équiper au dépôt d’armes établi dans la maison louée par les époux « anglais », pour rejoindre ensuite leurs camarades.

« Après la fusillade, la bande, accompagnée de trois mulets portant les bagages, prit le chemin de la montagne, son intention n’étant point de tenter un mouvement à San Lupo même, qui n’était que son lieu de rendez-vous et d’organisation, mais de se jeter dans les montagnes et de courir le pays pour tâcher de soulever les paysans. Un inspecteur de police, accompagné de soldats et de sergents de ville, se rendit alors à la maisonnette : elle était déserte. On enfonça la porte, et on trouva des provisions de bouche, vingt-cinq fusils, des haches, des substances incendiaires, etc.

« Les internationaux qui devaient former la bande devaient arriver à San Lupo par petits groupes ou isolément. Il en résulta qu’une fois l’éveil donné, une partie de ceux qui n’avaient pas encore atteint le lieu du rendez-vous, et qui par conséquent n’avaient point d’armes, furent arrêtés chemin faisant, quatre dans le voisinage de Solopaca[2], et quatre autres à Pontelandolfo[3].

« Ces détails montrent clairement que la bande n’a pas eu le temps de s’organiser ; qu’elle a dû, l’éveil donné, quitter San Lupo avant de se trouver au complet ; que la rencontre avec les carabiniers a été le fait, non de la bande entière, mais de cinq hommes qui venaient de s’armer et qui s’éloignaient pour rejoindre leurs camarades ; et qu’il est ridicule de représenter la bande comme ayant « pris la fuite » (style de M. Guesde) après cette rencontre, puisque, en quittant San Lupo pour gagner les montagnes, elle ne faisait qu’exécuter un plan arrêté d’avance.

« Sur l’apparition de la bande à Letino et à Gallo (le dimanche 8, le troisième jour après le départ de San Lupo), nous n’avons pas de nouveaux détails. Au sujet de la fâcheuse issue de l’expédition, voici ce que nous écrit un international italien :

« La localité où a commencé le mouvement (San Lupo) offrait à nos amis certaines facilités pour s’armer et s’équiper ; mais la région de Letino et de Gallo, qu’ils traversèrent ensuite, ne présentait pas d’éléments favorables pour une insurrection, la province de Caserte (ou Terre de Labour) n’étant en aucune façon révolutionnaire. Ils avaient sans doute prévu cela, et ils ont tenté ensuite, en franchissant les monts du Matèse, de passer dans une province voisine (celle de Campobasso, dans les Abruzzes), où un soulèvement était certain[4] ; mais le gouvernement, qui avait compris leur idée, les enferma, par un grand déploiement de forces, dans un cercle de fer, dont il leur fut impossible de sortir, malgré une marche forcée de 56 kilomètres, accomplie dans une seule journée (celle du mercredi 11). »

« Les troupes qui ont surpris la bande, dans la nuit du 11 au 12, tandis qu’elle se trouvait dans une ferme sur la montagne, sont un bataillon du 50e régiment d’infanterie et un détachement du 5e de bersagliers. Nul journal ne donne le

  1. Ils étaient quatre, dit l’acte d’accusation.
  2. Ce sont Ardinghi, Innocenti, Kraftchinsky et Grassi. Ardinghi et Innocenti, venant de San Lupo, allaient, comme je l’ai dit à la page précédente, le 5 au soir, à la gare de Solopaca attendre Kraftchinsky et Grassi ; ces deux derniers furent, dit l’acte d’accusation, « trouvés, dans la nuit du 5 au 6 avril, près de la gare de Solopaca, porteurs de revolvers ».
  3. Ce sont Gagliardi, Matteucci, Dionisio Ceccarelli, et Fruggiori.
  4. L’explication donnée par notre correspondant est confirmée par la lettre de Malatesta qui me parvint le 2 juin (voir p. 211).