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Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/669

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bien, au bas de cette proclamation figure entre autres la signature d’un ouvrier socialiste, nommé député au Grand-Conseil lors des élections de 1876. Or voici ce qu’on lit textuellement dans ce document :

« Cette loi ne peut être faite contre les fabricants, puisqu’elle émane d’une assemblée qui ne compte pas un seul ouvrier dans son sein, et qu’elle a été proposée par une commission composée en majorité de fabricants.

« Elle n’apportera aucune modification, aucun changement à nos habitudes et à notre travail[1]. »

Et pendant qu’on cherchait ainsi à démontrer aux électeurs bourgeois la complète innocuité de la loi, on disait ailleurs aux ouvriers que, si la loi était adoptée, elle mettrait un terme à la tyrannie et à l’arbitraire de leurs patrons et leur assurerait une existence plus humaine. Qui a-t-on voulu tromper ? (Bulletin du 11 novembre.)


Le 1er novembre, la Section italienne de Saint-Imier, composée surtout de manœuvres et d’ouvriers du bâtiment qui retournaient en hiver dans leur pays, donna une soirée d’adieu aux membres de la fédération ouvrière locale. « La soirée fut animée, et les paroles qui furent échangées ont prouvé que la propagande faite parmi les ouvriers italiens avait porté ses fruits, et que, d’un autre côté, les ouvriers horlogers savaient apprécier ces amis voués aux durs travaux de l’industrie du bâtiment. Beaucoup reviendront au printemps et reconstitueront ainsi le noyau affaibli durant l’hiver. Nous saluerons avec satisfaction ce retour, parce que nous avons pu nous convaincre qu’il existe chez ces hommes d’excellentes qualités qui font généralement défaut à nos populations horlogères. »

Une lettre de la Chaux-de-Fonds nous apporta la nouvelle que voici : «Dimanche dernier (18 novembre), la Chaux-de-Fonds avait à élire un député au Grand-Conseil, en remplacement d’un représentant démissionnaire. Le choix du comité radical s’est porté sur M. Fritz Robert, architecte, qui a été élu sans opposition. M. Fritz Robert est un ancien membre de l’Internationale[2], qui a été délégué au Congrès de Bâle en 1869, et a fait partie du Comité fédéral romand en 1870. Il accepte maintenant le mandat de député de la main des radicaux. Nous ne demandons pas mieux que de croire qu’il est resté fidèle à ses anciennes convictions ; et nous allons voir, maintenant qu’il siégera parmi nos législateurs, ce qu’un socialiste peut faire d’utile au Grand-Conseil : nous l’attendons à l’œuvre. » (Bulletin du 25 novembre.)

Une revue socialiste mensuelle en langue allemande, fondée par le Dr F. Wiede, paraissait à Zürich depuis le mois d’octobre ; elle s’appelait Die Neue Geseltschaft (la Société Nouvelle). C’était un organe éclectique. Nous fûmes invités, mes amis et moi, à y collaborer ; et, pour montrer notre bonne volonté, nous acceptâmes ; mais ce n’est que dans les premiers mois de 1878 que Brousse et moi écrivîmes, pour ce périodique, chacun un article.

Mais à côté de cette manifestation qui indiquait, chez certains Allemands, un état d’esprit conciliant, il y avait la propagande des irréconciliables, qui, inlassablement, travaillaient à semer la zizanie et à « organiser la désorganisation » au profit de leur chapelle. On lit dans le Bulletin du 2 décembre :

« Nos lecteurs se souviennent que dans un Congrès tenu à Neuchâtel en mai dernier, l’Arbeiterbund et le Grütli ont résolu la création d’un parti démocrate

  1. Il y avait en réalité un changement, et d’une importance fort grande. L’article 9 stipulait qu’à l’avenir un ouvrier ne pourrait quitter son patron sans l’avoir prévenu quatorze jours à l’avance. On voulait par là rendre la grève illégale et par conséquent punissable, à moins d’un avertissement de quatorze jours qui donnerait au patronat le temps de se mettre en état de résister et de remplacer les grévistes.
  2. Voir au tome Ier p. 163, la lettre de Bakounine à Fritz Robert.