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Page:James Guillaume - L'Internationale, III et IV.djvu/694

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« Arrêté.

« Les informations recueillies par la police donnant lieu de penser qu’à l’occasion de l’anniversaire de la Commune de Paris, le lundi 18 mars, les anarchistes ont l’intention de faire de nouveau une démonstration publique dans la ville de Berne… ;

« Considérant, etc., etc.,

« Le Conseil exécutif arrête :

« 1° Toute démonstration publique, durant les journées du dimanche 17 et du lundi 18 mars, de la part des anarchistes et de toutes sociétés ou personnes qui pourraient se joindre à eux dans cette circonstance, est interdite ;

« 2° Tout cortège d’autres sociétés est également interdit durant ces jours-là ;

« 3° La direction militaire est autorisée, pour renforcer le personnel de la police cantonale et municipale, à ordonner la mise de piquet, et au besoin la mise sur pied, des troupes nécessaires…

« Berne, le 15 mars 1878.

« Le président du Conseil exécutif : Teuscher. »

Cet arrêté était complété par deux ordres du directeur militaire, Wynistorf, prescrivant la mise sur pied du bataillon de landwehr n° 28, pour le dimanche 17 mars, à dix heures du matin, et la mise de piquet du bataillon de landwehr n° 30. En outre, le directeur de justice et police nommait, en qualité de commandant de place, le lieutenant-colonel et inspecteur de police A. von Werdt, et prescrivait à tous ceux que cela pouvait concerner de prêter obéissance à ses ordres.

Qu’est-ce qui avait pu faire prendre au gouvernement bernois des décisions aussi éminemment marquées au coin de l’aliénation mentale ?

Est-ce que les anarchistes — le nom est désormais consacré par l’emploi qu’en font nos adversaires — avaient annoncé l’organisation d’une manifestation publique dans la ville de Berne ?

Pas le moins du monde. Le Bulletin du 25 février dernier avait déclaré, au contraire, qu’il n’y aurait probablement, cette année, aucune manifestation de ce genre, et qu’en tout cas, s’il s’en faisait une, ce ne serait pas à Berne qu’elle aurait lieu.

Mais les hommes de gouvernement sont malins. Ils savent que les anarchistes sont d’affreux conspirateurs, et que, par conséquent, lorsqu’ils annoncent qu’ils ne feront pas de manifestation à Berne, c’est uniquement pour donner le change sur leurs intentions… Lorsqu’il fut bien constaté que partout les internationaux se tenaient parfaitement tranquilles, le gouvernement de Berne s’écria : « Plus de doute ! Ils ne bougent pas, donc ils préparent une révolution : sauvons la patrie ! » Et vite il appelle aux armes deux bataillons.

La proclamation gouvernementale avait donné la chair de poule aux bons Bernois, et vraiment il y avait bien de quoi. Quand le public voit mettre une ville en état de siège, il se figure naturellement qu’il va se passer des choses terribles. Aussi, deux jours durant, les bourgeois de Berne se sont-ils attendus, à l’arrivée de chaque train, à voir l’invasion socialiste pénétrer dans leur murs, et à assister à toutes les horreurs que pouvait enfanter une imagination en délire.

Quand ils ont vu enfin que rien n’était venu, et qu’aucun anarchiste n’avait témoigné la moindre velléité de mettre Berne à feu et à sang, ils se