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Page:James Guillaume - L'Internationale, I et II.djvu/74

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Que l’assujettissement économique du travailleur à l’accapareur des moyens de travail, c’est-à-dire des sources de la vie, est la cause première de la servitude dans toutes ses formes : misère sociale, dégradation mentale, soumission politique ;

Que, pour cette raison, l’émancipation économique des travailleurs est le grand but auquel tout mouvement politique doit être subordonné comme moyen ;

Que tous les efforts faits jusqu’ici ont échoué, faute de solidarité entre les ouvriers des diverses professions dans chaque pays, et d’une union fraternelle entre les travailleurs des diverses contrées ;

Que l’émancipation du travail n’étant un problème ni local ni national, mais social, embrasse tous les pays dans lesquels la vie moderne existe et nécessite pour sa solution leur concours théorique et pratique ;

Que le mouvement qui reparaît parmi les ouvriers des pays les plus industrieux de l’Europe, en faisant naître de nouvelles espérances, donne un solennel avertissement de ne pas retomber dans les vieilles erreurs, mais de combiner immédiatement tous les efforts encore isolés ;

Par ces raisons :

Le Congrès de l’Association internationale des travailleurs, tenu à Genève du 3 au 8 septembre 1866, déclare que cette Association, ainsi que toutes les sociétés ou individus y adhérant, reconnaîtront la Vérité, la Justice, la Morale, comme la base de leur conduite envers tous les hommes, sans distinction de couleur, de croyance ou de nationalité.

Le Congrès considère comme un devoir de réclamer pour tous les droits d’homme et de citoyen. Pas de devoirs sans droits. Pas de droits sans devoirs ; c’est dans cet esprit que le Congrès a adopté définitivement les statuts suivants de l’Association internationale des travailleurs. (Suivent les statuts et le règlement.)

VI

Premier rapprochement entre les Sections de la Suisse française. — Luttes politiques dans le Jura nenchâtelois : alliance électorale de certains socialistes de la Chaux— de-Fonds avec les conservateurs (mai 1868).

Pendant le Congrès de Lausanne, une conférence particulière avait eu lieu entre les délégués des Sections de la Suisse française[1]. Il y fut décidé : 1° Que la Voix de l’Avenir, mise à la disposition des Sections romandes par son propriétaire, le docteur Coullery, serait désormais l’organe officiel de ces Sections, et que Coullery continuerait à en être le rédacteur en chef ; 2° Que le Comité central des Sections de Genève recevait, jusqu’au Congrès général suivant, la mission de servir de centre de correspondance entre les Sections de la Suisse française. Ce fut là le premier pas fait vers la constitution d’une Fédération romande.

On a vu, par quelques-unes des déclarations de principes contenues dans les pages qui précèdent, que, tout en affirmant très nettement les revendications du socialisme, nous ne demandions pas mieux que de nous entendre avec ceux des radicaux qui se disaient disposés à marcher dans la voie des réformes sociales ; nous les traitions en amis, nullement en adversaires. Mais en Suisse, dans les cantons de Vaud, de Berne, et de Neuchâtel en particulier, le gros du parti radical, et surtout les politiciens qui dirigeaient les élections, voyaient dans le socialisme un ennemi ; la plupart des journaux radicaux en faisaient un épouvantail, le dénonçaient comme un péril ; et en même temps, par un singulier manque de logique, dans le canton de Neuchâtel ils accusaient les socialistes d’être les alliés ou les instruments du parti conservateur, qui voulait se servir d’eux pour conquérir le pouvoir.

Les deux articles ci-après, que j’écrivis pour le Diogène, indiquent avec précision le terrain sur lequel mes amis et moi nous entendions nous placer, tendant la main à ceux des radicaux que nos idées n’effarouchaient

  1. Le rapport administratif du Conseil général au Congrès de Lausanne constatait l’existence dans la Suisse française de dix-sept Sections, celles de Genève, Carouge, Lausanne, Vevey, Montreux, Neuchâtel, la Chaux-de-Fonds, le Locle. Sainte-Croix, Saint-Imier, Sonvillier, Bienne, Moutier, Boncourt, Tramelan, les Breuleux, les Bois. Dans la Suisse allemande il n’y en avait que quatre, celles de Zurich, de Wetzikon, de Bâle et de Berne.