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Page:Jammes - De l’Angélus de l’aube à l’Angélus du soir.djvu/260

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Tu me disais des choses délicieuses que l’on a dites.
Tu me disais : « Tu es un tout petit enfant. »
Et ta voix se traînait sur ces mots, détachant
les syllabes et disant : « Un-tout-pe-tit-en-fant. »

Je te disais : nous sommes allés à la même école,
quand tu avais quatre ans. N’est-ce pas que c’est drôle ?
Et tu relevais la tête et tes yeux noyés de douceur
me donnaient un regard qui me buvait le cœur.
« Petit ami, » me disais-tu, « que c’est calme ! »
Et nous nous taisions, ne sachant plus nos âmes…

Nos deux corps se sont fondus comme des pêches
brûlantes de soleil sur un même pêcher.
Tu disais : « Cette nuit n’a été qu’un baiser…
« C’est fou. » Et quand, soûls d’amour,
le jour parut, tu dis : « Que vient faire le jour ? »

Tes dents mordaient mes dents et me brisaient la bouche…
L’aube tremblait sur ton profil presque farouche.
Je te disais : tais-toi ! quand tu ne disais rien.

Puis nous sommes sortis dans la campagne fraîche.
Nous nous sommes assis sur un mur ébréché.