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Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/121

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heure obscure comme ma vieillesse ; mais si les couleurs s’endormaient, le parfum de la fenaison encensait le Tout-Puissant. Après avoir bu d’une eau pleine de fraîche ombre, je creusai mon lit dans une meule de foin.

Le lendemain, à l’aube d’un dimanche souriant, je continuai ma route en longeant le gave. Il ne restait guère dans mon sac qu’un croûton et un peu de lard. Le lard servit à assouplir mes souliers durcis par la rosée et la sécheresse. Il me fallait donc, pour apaiser ma faim, passer par quelque village. Là je pourrais me procurer le nécessaire, car j’étais riche pour l’instant : j’avais reçu huit francs de l’hospice à mon départ. En ajoutant les deux sous du collégien et le louis de M. Félix, ma fortune montait si haut que je ne me souvenais pas d’avoir autant possédé depuis bien des années.

L’azur, était de ce bleu un peu blanchissant d’une campanule que les guêpes ont visitée ; bientôt il devint luisant, et les moindres détails de la nature, lavés par un soleil brutal, devinrent si nets qu’on eût dit d’une fête : les ombres elles-mêmes prenaient corps.