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Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/211

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Suède, qu’il lacérât ses bottes pour les pouvoir enlever. Il ne connaît pas la fatigue. Il chasse. Et de ses chasses il rapporte cailles, bécasses, canards, pelites outardes et de hautes méditations.

Charles de Bordeu s’avance donc vers moi, la tête haute, une main tendue, l’autre main soutenant le bras de sa mère aveugle. Et dans l’enclos le soleil dans sa ferveur religieuse blanchit jusqu’aux boules de pierre du jardin, blanchit jusqu’aux ruches, blanchit jusqu’aux carrés de légumes, blanchit jusqu’aux maïs et aux blés ; blanchit jusqu’aux pelouses ; blanchit jusqu’aux bois ; blanchit jusqu’aux coteaux ; blanchit jusqu’aux Pyrénées ; blanchit jusqu’à l’azur.

Et maintenant vous connaissez le Charles de Bordeu d’il y a vingt ans qui ne diffère guère du Charles de Bordeu d’aujourd’hui, si ce n’est que son art est mùr à souhait. De cet art la ligne essentielle est la sagesse. Et si tel de ses romans antérieurs, par exemple le Destin d’aimer, a quelque frénésie, une rivière paisible coule cependant entre leurs feuilles qui la cachent par intervalles.