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Page:Jammes - Feuilles dans le vent, 1914.djvu/215

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mère, revienne à Madrid dans la rue de Francos où il est mort et qu’il demande à l’ombre de sa propriétaire : « N’avez-vous pas connu un poète du nom de Miguel de Cervantes de Saavedra qui a écrit Don Quichotte ? » Point de doute qu’elle ne lui réponde :

« Si vous parlez d’un manchot, oui ; si vous dites un poète, non. »

Par cette méconnaissance, n’est-ce pas Dieu qui demande que l’on laisse les morts en paix et que l’on ne leur érige pas tant de marbres ?

Il n’est point de plus fastueux monument que celui qui chaque jour s’élève autour de nous. Il n’est pas un pêcher en fleur ou en fruits qui ne contribue à la sépulture d’un poète ; pas un moineau ; pas une fourmi.

Il suffit que ce tulipier se dore dans le jardin du chantre d’Eloa, que les chèvres s’allongent à l’ombre de la muraille auprès des acacias, que la fontaine coule : et c’est le vrai tombeau.

Certes je sais que ceux-là qui comme Valéry Larbaud, André Gide et Guillaumin se dévouent à la mémoire d’un Charles-Louis Philippe n’obéissent qu’à de nobles senti-